Quand vient le temps de la Toussaint, nous revient en tête et dans le cœur la mémoire de nos proches et de nos amis, « partis avant nous », vers le Père. Et bien que l’Evangile de la Toussaint nous invite à la joie « Heureux… », nous gardons malgré nous profondément ancrée une part de deuil sans résilience. N'est-ce pas sur un ton de tristesse que nous chantons des paroles emplies de joie ? :
« Jezuz, pegen braz’ ve
Plijadur an ene
Pa vez e gras Doue
Hag en e garante»
Jésus,
comme est grande la joie de l’âme
qui vit en grâce avec Dieu, et dans son amour.
Me reviennent en mémoire ces mots de Xavier Grall écrits à ses filles : « Allégresse que cette religion qui nous assure que nous sommes aimés personnellement, que nous
sommes à ce point aimés que quelqu’un veille sur nous, nuit et jour, et que nous ressusciterons et vaincrons les tombeaux. Moi, avec mon corps, je ne périrai pas. Et chacune d’entre vous, avec
votre rire, votre charme, votre grâce, vous ressusciterez… Méditez en effet que vous avez été créées « à l’image et à la ressemblance de Dieu », que vous êtes ses filles bien-aimées,
qu’il est votre père pour toujours. ». (L'inconnu me dévore, Calligrammes). Voilà l’espérance chrétienne, plus forte que le deuil.
Notre espérance est en contradiction avec l’esprit qui anime ce monde…
Notre monde a peur de la mort…Elle devient aseptisée, les défunts sont confiés à des services spécialisés, la Toussaint est devenue Halloween… les lieux de commerce seront bientôt plus fréquentés ce jour que les lieux de recueillement ! régression de notre culture qui occulte et méprise ses deuils et ses angoisses !
Notre Eglise auprès des hommes et des femmes de ce temps, au cœur de leurs joies et de leurs espoirs, mais aussi de leur tristesse et de leur douleur, manifeste son espérance dans un compagnonnage fraternel. Je voudrais souligner en ces jours de la Toussaint le travail des équipes de funérailles, le service rendu auprès des familles en deuil. Cela suppose du temps, de la disponibilité pour accueillir et écouter, et aussi pour oser une parole de consolation et d’espérance. Je voudrais souligner ce travail et aussi, au nom de toutes les familles qui le manifestent parfois par une parole ou un petit mot, dire un grand merci.
Mes collègues et moi, n’avons plus la disponibilité des recteurs et des vicaires d’hier, comme il y a encore trente ans, avant la mise en place nécessaire des équipes de funérailles, puis des guides. Cependant nous pouvons, être sollicités pour ce ministère de présence et de présidence à l’occasion des funérailles Il ne s’agit nullement de remettre en cause la délégation ni la mission confiée à des laïcs, mais d’assurer, nous aussi, comme prêtres, la conduite de la prière des chrétiens, de manifester la sollicitude du Christ auprès de ceux qui pleurent, de rappeler la foi des chrétiens en la résurrection, de raviver l’espérance et la joie de l’Evangile.
Toussaint… Fête de la joie ? Oui, même dans les larmes, la joie du réconfort, de la consolation, de l’invitation à l’espérance. « Frères, ne pleurez pas comme ceux qui sont sans espérance » écrivait Paul aux chrétiens de Thessalonique. Pleurer, quand une relation est rompue, qu'un visage, une voix n’habitent plus notre quotidien, et parce que cela ravive en nous la douleur, oui, pleurer est un témoignage d’amour. Mais pleurer avec espérance, comme le chante le psaume « Ceux qui sèment dans les larmes, moissonnent en chantant »…
Christian Le Borgne, Curé