Nous avons fait mention, dimanche dernier, de la journée mondiale de la communication, et nous avons porté dans la prière les personnes qui font de la communication leur activité professionnelle. Ce dimanche, nous fêtons la venue de l’Esprit Saint sur les apôtres, venue qui a permis que les diverses populations rassemblées à Jérusalem entendent publier les merveilles de Dieu, chacune « dans sa langue maternelle » ! C’est l’Esprit Saint qui permet la communication parfaite !
Mais c’est quoi au juste, la communication ? Permettre la transmission d’un message, via un support de médiation, d’un émetteur à un destinataire. Ok, c’est tout simple, ou presque. Le
message peut être de forme variée, visuel ou oral, explicite ou symbolique… Il demande que celui qui émet le message soit capable de le formuler de telle manière que celui qui le reçoit puisse le
comprendre aisément sans en déformer le contenu. Nous connaissons tous ce jeux de veillée appelé « téléphone arabe », au cours duquel une dizaine de personnes se transmettent de
l’une à l’autre une phrase ou un mime ; au final, le message reçu par le dernier destinataire n’a plus rien à voir avec le message initial tant il a subi de transformations dans
le processus de transmission !
De manière plus dramatique, dans le film « L’honneur d’un capitaine », nous avons l’exemple type du message mal reçu, non pour des questions techniques de matériel radio, mais d’interprétation humaine de l’ordre donné ; au cours d’une opération militaire, lors de la guerre d'Algérie, les soldats français font prisonnier un ressortissant du FLN. Le commando est sur un sommet, l’officier responsable avec la troupe, en contrebas. « Nous avons capturé un prisonnier, qu’est-qu’on en fait ? » « Qu’ils nous l’amènent, descendez-le nous» répond le capitaine ; et le radio de transmettre l’ordre « Descendez-le…». Le commando a compris, à tort, que l’ordre était d’exécuter le ressortissant… Erreur grave de communication, objet plus tard de la part d'un journaliste, d’un jugement et d’une interprétation erronée des faits, le journaliste dénonçant le capitaine comme criminel de guerre. (Pour voir la séquence du film, cliquer ici)
N’en est-il pas trop souvent ainsi ? Chacun se fait écho de ce qu’il a entendu, selon ce qu’il a cru comprendre, et même en toute bonne foi, parfois, pensant le faire dans une fidélité parfaite à ce qu’il a reçu comme information. « J’ai vu dans le journal… », « on m’a dit que… ». Et le commentaire que l’on rajoute est souvent mieux reçu que l’information elle-même, dans la mesure où ce commentaire conforte ce que l’on croit savoir, ce que l’on veut savoir, ce que l'on est disposé à entendre. « Il n’est pire sourd que celui qui ne veux pas entendre », aimait répéter un ami prêtre, René Bescond, aumônier des personnes sourdes !
Dans une culture qui n’a jamais autant favorisé les moyens de communication, presse écrite, radio, cinéma, télévision, et depuis peu la multiplication des outils informatiques, téléphones portables, tablettes, ordinateurs… Nous sommes gavés d’informations et de messages, et nous sommes nous-mêmes incités à entrer dans ce jeu qui veut que l’on communique à tout vent des informations, des plus intimes aux derniers potins les plus futiles… Et nous ne savons plus qui est l’émetteur, qui est le récepteur, ni même quel est le véritable message. Chacun manifeste le désir d’être « connecté » pour exister, tel un naufragé sur son île déserte lançant sa bouteille à la mer. Des analystes du fonctionnement de ces « réseaux sociaux » soulignent que se créent ainsi des cercles de personnes enfermées dans leurs convictions communes, ne recevant et n’émettant d’informations qu’avec des semblables partageant leur point de vue. Il n’y a plus aucune place à un travail d’écoute, d’analyse, de compréhension, d’interrogation, de remise en cause.
Les biblistes qui commentent le récit de la Pentecôte aiment parler de cet évènement comme d’un « anti-Babel ». Il nous est dit dans le livre de la Genèse, que les hommes ont voulu édifier une ville ou toute diversité serait gommée, dans l’illusion de la transparence parfaite. Dieu en a voulu autrement, la communion n’est pas l’illusion de la transparence, mais un travail de communication mutuelle. (Un travail vidéo remarquable a été réalisé pour transmettre ce récit et quelques autres de la Bible : cliquer ici).
Pentecôte, c’est ce don de l’Esprit qui suscite l’écoute, l’accueil, la réception et la transmission des paroles du Christ, selon le langage, la culture de chacun. Le message n'est pas réduit au
langage le plus pauvre, "pour que tout le monde puisse comprendre", il est enrichi par l'accueil et la réception dans une culture, une histoire et une compréhension particulière, apport
et enrichissement d'un patrimoine commun. Celui, celle qui a reçu ce message a le souci premier de le transmettre en respectant son auditeur, en cherchant à entrer en communication avec lui, non
pour se valoriser, mais valoriser l’autre. Travail des frères à la suite de Jean Marie de la Mennais et de Gabriel Deshayes, qui fêtent leur second centenaire, comment faire grandir dans une
« éducation intégrale » les enfants et les jeunes des petites villes et des campagnes ? Travail des Pères de Saint Jacques, entrer en communication avec les esclaves noirs d’Haïti
pour leur donner le message de libération et de salut de l’Evangile…
Pentecôte, cinquante jours après Pâque, c’est le temps liturgique entre l’annonce de la résurrection par les femmes, « il est vivant », et l’annonce de ce message par les disciples, à tous les peuples… Un temps liturgique long pour nous apprendre la patience en toute communication.
Viens Esprit de Vérité, vient Esprit de Dieu !
Christian Le Borgne, curé