Aujourd’hui beaucoup pensent à l’après-épidémie, comme à un temps où tout redeviendra comme avant, où on réalisera ce qu’on a reporté, et cela est bien compréhensible. Mais il est probable que rien ne sera plus comme avant – il faut en tout cas l’espérer – après cette dure expérience et nous devons tous réfléchir sur l’après-coronavirus et ne pas penser simplement à reproduire nos discours et nos pratiques.
L’épidémie n’est pas seulement une urgence sanitaire. Elle touche et bouleverse toutes les structures sociales et met en lumière les nombreuses faiblesses de notre mode de vie. Le dévouement à l’extrême des personnels de santé ne parvient pas à masquer que nous n’étions pas prêts à affronter une tempête aussi lourde. Nous pouvons mesurer les insuffisances de notre système économique reposant de manière absolue sur la recherche du profit quitte à déséquilibrer tous les échanges, alors qu’en ce moment ils auraient dû au contraire être fluides et solidaires. Un seul exemple : l’enrayement de la production et de la fourniture de masques chez nous que la Chine vient heureusement compenser. On constate la validité de la critique de « Laudato Si’ » contre une société et un système qui font avec le choix de la délocalisation prévaloir les intérêts particuliers sur le bien commun.
De graves questions sont à poser sur le rapport entre l’homme et la nature. Une forme de « naturalisme » nous a fait oublier que « tout est lié », qu’il ne faut pas seulement se préoccuper de la nature mais aussi de l’homme, qu’on ne sauvera pas l’un sans l’autre, qu’il faut aussi sauver la vie de l’homme et ne pas nous laisser aller à des pratiques qui ne manifestent pas un regard responsable sur la valeur de la vie humaine. Si cette crise ne nous conduit pas à un examen de conscience approfondi sur le respect les uns des autres, sur la mise en œuvre de relations à tous niveaux, fondées non pas sur la force, mais sur le dialogue et la non-violence, elle ne nous poussera pas à quelque chose de nouveau. A cet égard nous devons nous interroger sur une mondialisation libérale bénéfique aux puissants, dont on mesure l’injustice pour les faibles, et aussi sur les choix de violence qu’on fait sous le fallacieux prétexte de sécurité. Nous assistons à la mise en cause des modèles universels qui prétendent se tenir à l’écart des nations. Il nous faut enfin revisiter la place donnée à la spiritualité, face à la prétention de l’homme à l’« autoréférentialité », comme dit le pape François.
Le 20 mars est le 7e anniversaire de son pontificat. Pendant ces sept années ses paroles fortes et l’humilité de sa posture ont été un signe vivant de l’Évangile en acte. Dans la crise que nous vivons il est une voix qui croit, qui espère, qui est pleine d’amour et de consolation pour tous, en particulier pour les plus faibles. Il plaide pour la justice, pour le respect des cultures, pour la reconnaissance de la valeur de chaque homme. Et il nous offre ce monument de « Laudato Si’ » qui pourrait devenir de plus en plus notre Charte au temps de l’après-coronavirus.
+ Marc Stenger
Évêque de Troyes
Président de Pax Christi International