« Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jn 20, 9)
Ainsi s’achève le récit du matin de Pâques. Le récit de Luc : « Comme votre cœur est lent à croire ce que les prophètes ont dit… » fait écho au récit de Jean…
L’incompréhension des prophéties, nous le constatons encore dans la crise que nous traversons aujourd’hui, provient, non pas seulement ni d’abord de notre peu d’intelligence, mais de notre incapacité à accueillir la promesse et la nouveauté qu’elle implique. Pierre refusait que ce chemin de vie passe par le chemin de la souffrance et de la croix. Il voulait, en chef d’équipe, tout maîtriser et dicter au Christ lui-même, la manière de « faire » le Messie. Marie-Madeleine est trop enfermée dans une relation toute humaine de tendresse et d’affection, pour accueillir une autre manière de vivre et d’aimer. Les disciples d’Emmaüs sont dans leurs chimères d’un « Libérateur d’Israël »… La Résurrection du Christ, la création menée à son terme, passe par la nécessité de laisser de côté nos vieilles habitudes, nos comportements imperméables à la nouveauté de Dieu.
Accueillir l’élan créateur de la Résurrection nous oblige à sortir de nos vieilles habitudes sclérosées et mortifères. Nos linceuls doivent rester au tombeau !
Les prophètes d’aujourd’hui, et je pense en premier lieu au pape François, sont des lanceurs d’alertes dans un monde destructeur de vie, sans respect pour la création, pour l’homme en premier lieu. La logique de l’argent, du profit immédiat, de la consommation effrénée ferme les oreilles et les cœurs de ceux qui sont enfermés dans les chaînes de leur or et les sépulcres de leurs coffres. Ils se sont fait un veau d’or ! Et bien des politiques, hommes et femmes, qui dénoncent aujourd’hui le manque de moyens pour faire face au virus, manque de personnel soignant, manque de matériel médical, manque de lits d’hôpitaux, manque de masques, sont les mêmes qui dénonçaient hier les dépenses excessives consacrées au budget de la santé. La voiture consommait trop, plutôt que de réduire la vitesse, on a supprimé la roue de secours…
Les prophètes de la Bible, Jérémie, Amos, Isaïe, etc…, sont autant de lanceurs d’alerte : si tu te détournes des voies du Seigneur, si tu marches sur des chemins de perdition, tu vas à ta perte. Ce sont les mêmes prophètes qui au jour de la catastrophe, tel que l’exil à Babylone, annoncent l’alliance indéfectible de Dieu. Je vous relèverai, je vous rassemblerai, je ferai de vous mon peuple et je serai votre Dieu. Plus encore, et particulièrement chez Isaïe, germe l’annonce de la venue du Messie, non seulement un descendant de David, mais celui en qui sera réalisé l’accomplissement de la promesse. Cette figure du Serviteur souffrant demeure mystérieuse pour les grands, les assoiffés de pouvoir, mais en lui se reconnaissent les petits du peuple d’Israël. Lorsque la Vierge Marie chante sa joie dans le Magnificat, elle chante cette reconnaissance et cette espérance des "pauvres du Seigneur" : « Il abaisse les puissants de leur trône, il élève les humbles, il comble de biens les affamés, renvoient les riches les mains vides, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères… »
N’aviez vous donc pas compris ? La Résurrection du Christ est bien plus qu’un retour à la vie, elle est l’accouchement dans les douleurs de la Passion du Premier Né d’entre les morts. Les forces de la mort sont vaincues, brisées de l’intérieur du tombeau, non par la violence, mais par l’amour, non par le rapt, mais par le don. Cela va à l’encontre de nos instincts premiers, cela va à l’encontre de nos compréhensions immédiates ! Toute la mission du Christ, (enseignement des Béatitudes, guérisons, appels adressés par Jésus à le suivre, etc…), annonce ce combat, entre le don et l’égoïsme, le pardon et la haine, la vie et la mort, combat ultime des jours de Pâques dans lequel il se livre tout entier dans le l’offrande de sa vie.
« Plus rien ne sera comme avant » disent aujourd’hui encore les prophètes de ce temps, espérant des relations nouvelles entre les hommes, les nations… Et cependant, nous voyons s’agiter ceux qui veulent déjà s’en retourner aux « affaires habituelles ». Qu’en sera-t-il de nous même ? Ce temps de confinement nous oblige à faire le point sur nos habitudes mises à mal, nos rythmes effrénés, nos besoins essentiels et aussi superflus. Malgré nous, nous vivons un vrai carême au désert, un confinement qui risque de durer en ce temps de Pâques. L’actualité nous donnera de vivre ce temps pascal au rythme des récits de Luc dans les Actes des Apôtres : « Au cours d’un repas qu’il prenait avec eux, il leur donna l’ordre de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre que s’accomplisse la promesse du Père » (Ac 1, 4).
Durant ce temps de Pâques, nous allons entendre les récits de celles et ceux qui ont accueilli la nouveauté de la résurrection. Nous allons recevoir l’enseignement qui nous rappelle l’engagement pris au jour de notre baptême. Nous allons méditer combien dans la foi et par toute notre vie d’amour, en communion avec le Christ, nous célébrons en vérité le mystère de l’eucharistie. Enfin nous nous disposerons au témoignage à donner en Eglise, témoins de l’Evangile dans l’amour mutuel… Que ce temps soit pour nous mis à profit pour accueillir la promesse de l’Esprit Saint. Lorsque viendra le temps de sortir de nos confinements, dans le souffle de Pentecôte, viendra aussi le temps de sortir de nos horizons étriqués, de nous risquer à des relations vivifiées dans le souffle du Ressuscité.
Joyeuse fête de Pâques
Il est ressuscité, il est vraiment ressuscité, Alléluia !
Christian Le Borgne, curé