En commentaire de l'évangile de dimanche dernier, je vous écrivais : "Lorsque le Christ s'adresse à ses disciples, il leur annonce son départ vers le Père, et, en ce temps pascal, il
nous dispose déjà à la fête de l’Ascension".
Il en va de même ce dimanche, avec, de plus, une annonce de ce que nous célébrerons à la Pentecôte : "Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour
toujours avec vous : l’Esprit de vérité"
Je voudrais revenir avec vous cette semaine sur cette fête de l'Ascension. Un mot un peu bizarre, peu utilisé, sinon par les chroniqueurs du Tour de France, quand le peloton approche de l'Alpe
d'Huez ou des sommets un peu plus conséquents que notre Menez Quelec'h... Dans des situations semblables, la Bible nous dit plutôt que Jésus "gravit" la montagne, comme au Mont des Béatitudes.
Saint Luc dans le récit des actes des Apôtres nous dit : " il fut enlevé au ciel". C'est une tout autre réalité qui est ainsi exprimée, celle que nous proclamons dans le Credo "est monté aux
cieux, est assis à la droite de Dieu, le Père tout puissant"...
Bien évidemment, n'allons pas chercher dans la stratosphère où pourrait bien être Jésus, "à la droite du Père". Comme une petite fille, disait à sa maman qu'il n'y avait qu'à prendre l'avion pour
aller voir l'arrière grand-mère, en réponse à la maman qui lui disait en langage familier : "Mémé est partie au ciel", cherchant à expliquer la mort et donc l'absence de l'aïeule... Ou
encore cette histoire, caractéristique de la résistance par l'humour à la dialectique du communisme soviétique des pays de l'Est, histoire que j'ai entendue d'un franciscain slovaque :
"Gargarine, revenant de sa mission dans l'espace à déclaré : "j'ai été dans le ciel, et je n'ai pas vu Dieu"... C'est normal ; il est resté dans sa capsule !".
En breton, nous savons faire la différence entre "an oab" le ciel, et "an neñv", les cieux, comme en anglais, il y a une différence entre "the sky" et "the Heaven" ; l'un est une évidence, et la
seule peur des gaulois est qu'il nous tombe sur la tête ! L'autre relève de la foi, parfois contestée "Imagine there's no heaven, [... ] only sky" chante Lennon... ou Prévert
"Notre Père qui êtes aux cieux, restez-y !"
Ces propos semblent sans doute naïfs ; cependant, reconnaissons bien qu'il nous faut toujours être méfiants par rapport à nos représentations élémentaires : Dieu est tout là haut, et nous, ici
bas. Entre les deux, une communication difficile et brouillée. Voilà notre représentation habituelle, issue de notre héritage païen. Or le récit des Actes des Apôtres est là pour nous bousculer
dans notre imaginaire. "Galiléens, pourquoi restez vous là à regarder le ciel ?" La Galilée est dans la culture biblique le carrefour des peuples, un lieu de brassage, de métissage tant
décrié par les "purs" de Jérusalem. Ce n'est pas dans un "ailleurs", fut il l'Olympe, que nous rencontrerons Dieu, mais au cœur des relations humaines. La fête de l'Ascension est le répondant de
la fête de Noël. Les bergers ont entendu les anges chanter (ar bastored o-deus klevet e barr an neñvou) "Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre
aux hommes qu'il aime". A Noël, nous fêtons l'Enfant-Dieu venu habiter chez les hommes ; quarante jours après Pâques, nous fêtons le Premier né d'entre les morts, qui élève notre humanité
auprès du Père. Cependant, il demeure auprès de nous. L'artiste qui a réalisé le retable de la Houssaye, petite chapelle près de Pontivy,
l'exprime fort bien. Dans la représentation ci dessus, photo de Gusti Hervé, nous voyons les onze apôtres, avec Marie, les yeux levés au ciel. Leur regard est tourné vers deux pieds et le bas
d'une toge qui vont disparaître dans les nuages... Et il y a un treizième visage, qui ne regarde pas vers le haut, mais tourné vers nous qui contemplons la scène. Lui aussi porte une toge
rouge. Il bénit... Il est avec eux, mais ils ne le voient pas, ne le reconnaissent pas... Peut-être parce qu'ils n'ont pas encore reçu le don de l'Esprit Saint ? Nous mêmes, saurons nous le voir,
le reconnaître ?
A la différence de Gargarine, nous sommes convoqués à sortir de notre "capsule", a regarder le ciel et la terre avec le regard de Dieu. En réponse à l'appel du pape François, en cette
semaine "Laudato Si' 2020", œuvrer par la prière et l'action à la préservation de la création, à mettre en œuvre une "écologie intégrale", espérer "un ciel nouveau et une terre nouvelle".
Comme le chantait le Père Aimé Duval :
Qu'est-ce que j'ai dans ma p'tite tête
A rêver comme ça, le soir,
D'un éternel jour de fête
D'un grand ciel que j'voudrais voir !
Et voici que Jésus m'a surpris:
“Que fais-tu là à m'attendre mon ami?
Ton ciel se fera sur terre avec tes bras!
Christian Le Borgne, curé