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GLOIRE

Gloire, Esprit de gloire, glorifié … Entre Ascension et Pentecôte, la prière du Christ et l’exhortation de l’apôtre Pierre nous répètent ce mot « gloire » sous toutes ses formes, toujours pour manifester la grandeur du Père réalisée par son Fils Jésus :


« Père, l’heure est venue.,
Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie.
[…]   Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire.
Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi
[…] et je suis glorifié en eux

 

réjouissez-vous, afin d’être dans la joie et l’allégresse
quand sa gloire se révélera.

Si l’on vous insulte pour le nom du Christ, heureux êtes-vous, parce que l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu, repose sur vous.
    Mais si c’est comme chrétien, qu’il n’ait pas de honte, et qu’il rende gloire à Dieu pour ce nom-là


Comprenons bien, la « gloire » dans le langage courant peut avoir de multiples significations… Orgueil éphèmère dans « La gloire de mon père », de Marcel Pagnol, moment de folie des grandeurs ,« il est parti pour la gloire »… Où aboutissement victorieux et mérité d’un combat difficile « Le jour de gloire est arrivé » de notre hymne national.
La « Gloire » mentionnée dans les récits bibliques est d’une toute autre nature.

 

Le vieux mot hébreux « kâvôd » dit le poids, la valeur d’une personne… En langage familier, on dira aujourd’hui d’un concurrent dans le monde politique ou commercial qu’il joue dans la catégorie « poids lourds »… Première compréhension du mot gloire, elle qualifie une personne, et en premier lieu Dieu, qui dispose d’un pouvoir stable, aux assises bien établies. C’est ainsi que l’on comprend la parole du Christ « glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi ». Le Christ vient du Père et s’en retourne auprès de lui, partageant la stabilité et l’éternité de son pouvoir, tandis que son incarnation lui donnait, au détriment de cette gloire, de partager la fragilité humaine jusque dans la mort.

 

Le terme gloire, dans le langage biblique, viendra souligner, lors d’apparition divine ou d’expérience spirituelle forte, la manifestation de Dieu. Ainsi la vocation du prophète Isaïe, dans ces paroles que nous chantons en acclamation au terme de la préface « Saint, Saint, Saint le Seigneur, le tout puissant, sa gloire remplit toute la terre » (Is 6,3). Autre acclamation, chantée au début de la liturgie, le chant des anges dans la nuit de Noël « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre… ». La toute puissance divine est manifestée aux hommes.
C’est en ce sens que nous comprenons également la parole du Christ : « Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire ». Dans la prière du Christ, cette gloire s’oppose au « monde » : « ce n’est pas pour le monde que je prie,
mais pour ceux que tu m’as donnés ». Le « monde » n’est pas alors à comprendre comme la création terrestre et ses habitants, aimés de Dieu (Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique) ; il est à comprendre en terme de « mondanité », la vanité de se prendre pour seule origine et seule justification de gloires passagères. Le « péché du monde » n’est pas l’addition de tous les péchés commis par les hommes, il est l’expression de la création qui renie son Créateur et son Sauveur (Il est venu dans le monde, et le monde ne l’a pas reconnu)

 

Cette gloire de Dieu, sa force et sa puissance, toute son œuvre de création et de salut, son amour et sa grâce, glorifie celui qui l’accueille avec foi, c'est-à-dire qu’elle le conforme à l’image et à la ressemblance du Fils, vrai visage du Père. C’est l’œuvre de l’Esprit Saint, communion du Père et du Fils, ouverte au disciple. Ainsi nous comprenons la parole de l’apôtre Pierre « bienheureux êtes-vous, parce que l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu, repose sur vous"

 

Alors, puisque nous sommes glorifiés en Dieu, comment ne pas lui rendre gloire ? Reconnaître que tout vient de lui, qu’en lui est la vie, la joie, l’amour, la paix, de manière durable et définitive. Tout cela n’est pas encore pleinement réalisé, loin de là même, et nous sommes toujours en attente de l’achèvement de son œuvre « quand sa gloire se révèlera… ». Mais c’est dans l’espérance de cette réalisation que se fonde notre prière et notre agir.

 

 

Il m’est arrivé dans mes homélies et commentaires de plaisanter, en proposant notre hymne national, la « Marseillaise », comme hymne pascale… il suffirait de changer « enfants de la patrie » par « enfants du même Père »… Provocation à accueillir avec humour ; et cependant, nous pouvons faire de ce chant guerrier une méditation chrétienne. « Le jour de gloire est arrivé »… Quel est-il, pour nous chrétiens, ce jour de gloire, sinon celui de la Résurrection du Christ ? Victoire sur la mort, création achevée, manifestation d’une passion commune, dans l’amour, du Père et du Fils. « Contre nous de la tyrannie » ; contre les force de mal et d’oppressions, insultes et calomnies dont parle Pierre, persécutions et mise à mort, « l’étendard sanglant est levé » ! Quel est-il cet étendard, sinon le bois de la croix encore marqué du sang de l’Agneau pascal ?.

 

Difficile cependant de chanter « aux armes citoyens, qu’un sang impur abreuve nos sillons », si nous le comprenons à la manière du monde. Dans le souffle de Pentecôte, nous n’avons d’autres armes que celles de la prière, à l’image des disciples et de Marie rassemblés dans le cénacle. C’est dans l’Esprit du Fils, Esprit consolateur, Esprit de paix et de justice, de réconciliation, que nous pouvons, avec le Christ et en lui rendre gloire à celui qui nous a glorifié dans le Fils.

 

Christian Le Borgne, curé