Nous disons kenavo à la communauté des religieuses de Saint Nic ce dimanche. Après le départ des sœurs de Saint Joseph de Cluny à Briec, en février 2019, demeurent sur la paroisse Sainte Anne, la communauté des Filles du Saint Esprit de Pleyben, et la communauté des Frères de Ploërmel, au Juvénat de Châteaulin.
Les religieuses, les « Bonnes sœurs » comme l’on disait de manière affectueuse, ou pas, ont marqué notre paysage quotidien. En "bonus", elles ont eu leur part de succès au cinéma, particulièrement avec Louis de Funès, dans « La Grande Vadrouille » aux hospices de Beaune, ou en 2CV dans la saga des « Gendarmes de Saint Tropez », mais aussi avec Whoopy Goldberg dans "Sister Act" ! Enseignantes, aides à domicile, soignantes, elles ont vécu l'Eglise, selon le souhait du pape François, comme un "hôpital de campagne". Il faut reconnaître ce service rendu, et les en remercier. Malmenées par les lois de la République, notamment la folie révolutionnaire et par la suite Mr Emile Combes, elles ont insufflé la nécessité de prendre collectivement en charge l’éducation et le soin des personnes. Lorsque la République a rendu obligatoire « l’école pour tous », elles ont su rappeler que cela valait également pour les filles !
Lors de la veillée du pardon de Sainte Anne, il y a de cela trois ans, les jeunes du pèlerinage « en Hent », avec la complicité de Goulc’han Kervella, avaient évoqué la vie de Jeanne Jugan. Très belle réalisation, initiative à renouveler ! Jeanne Jugan, de Cancale, fondatrice des la congrégation des « Petites sœurs des pauvres » au tout début du 19ème siècle, Renée Burel et Marie Balavenne, aux portes de Saint Brieux, un siècle plus tôt, instituant les « filles du Saint Esprit », communément appelées « les sœurs blanches », Perrine Samson et Mère Marie de Saint Charles, les « Filles de Jésus de Kermaria », sans oublier les Sœurs de la Sagesse, de l’Immaculée Conception de Saint Méen, de Saint Thomas de Villeneuve… Autant de figures et d’intuitions, au service de l’Evangile dans le service des petits, qui auront profondément marqué notre Eglise, et tout particulièrement nos diocèses bretons.
Sans doute, bon nombre de ces congrégations ont joué leur rôle en instituant ce qui aujourd’hui relève du service public, à savoir les la scolarisation, les soins aux démunis, la
prise en charge des personnes agées depuis les cliniques de maternité puis la maternelle jusqu'aux maisons d'accueil pour personnes agées… Mais si aujourd’hui la collectivité peut se passer de
leur service, bien que nous manquions d’infirmières, d’aides soignantes et que l’ADMR n’a plus la disponibilité nécessaire, l’Eglise peut-elle se passer de leur présence ? Rien n’est moins
sure !
J’avais entendu, au cours d’une session nationale de liturgie, une théologienne, religieuse des Filles du Saint Esprit, nous présenter le schéma conciliaire concernant la présentation de l’Eglise, « Lumen Gentium ». Il y a, dans ce texte, cinq points successifs : en un, l’Eglise est le Peuple de Dieu, peuple de baptisés, faisant corps avec le Christ. En second, les ministères ordonnés assurent la communion et la fidélité apostolique. En trois, nous est rappelée la vocation commune à la sainteté. En quatre est traitée la vie religieuse, et enfin, en cinq, la Vierge Marie nous est donnée en modèle comme icône de l’Eglise. Comment comprendre l’articulation de ces cinq points ? Pour elle, il ne s’agit pas d’une succession hiérarchisée de points importants, mais d’une structure articulée, qui a comme cœur le point central, à savoir la vocation commune à la sainteté. Ce cœur à une « couverture » de première page, qui annonce de quoi il s’agit, à savoir du Peuple de Dieu, et en illustration de dernière page, d’une icône, image parfaite de ce Peuple de Dieu, à savoir la Vierge Marie. Cette vocation commune à la sainteté est structurée par l’institution ecclésiale, assurée par les ministères ordonnés ; mais comme toute institution a tendance à se scléroser, elle a pour vis-à-vis la vie religieuse, qui a pour mission de lui rappeler la radicalité sans cesse renouvelée de la vie évangélique. Ainsi ministères ordonnées d'une part, vie religieuse consacrée, d'autre part viennent donner cette structuration indispensable et équilibrée au peuple de Dieu, au service de sa vocation à la sainteté.
Telle est la place spécifique de la vie religieuse dans l’Eglise, non pas de maintenir des « institutions », aussi vénérables soient-elles, mais de rappeler, et notamment par la vie fraternelle et les vœux évangéliques, selon les charismes propres, la joie et la liberté de l’Evangile. Sans cesse la vie de l’Eglise sera marquée par l’éclosion de nouvelles formes évangéliques. La vie monastique trop riche de ses biens sera contestée au sortir du Moyen Âge par les religieux mendiants, franciscains et dominicains. Thèrése d’Avila et Jean de la Croix vont insufflé une réforme du carmel, puis Ignace de Loyola et ses frères jésuites vont ouvrir l’Eglise aux espaces nouveaux des cultures du monde à l'aube de l'époque moderne. Toutes les congrégations féminines mentionnées plus haut, et les congrégations masculines d’enseignants, vont rappeler qu’il n’y a pas de véritable progrès digne de ce nom lorsque seule une élite peux en bénéficier. C’est là encore aujourd’hui, ce qui fait la vocation de la vie religieuse, et la nécessité pour l’Eglise de la promouvoir, sous des formes qui seront nécessairement renouvelées.
Nous attendons avec impatience la parution de la nouvelle encyclique du pape François, annoncée comme ayant comme pour thème la fraternité. Elle sera publiée le 4 octobre, fête de la Saint François d’Assise. Si les religieuses étaient appelées « bonnes sœurs » et les religieux des « frères », n’est-ce pas en raison de cette vocation à manifester la bonté fraternelle. C’est une vocation qui ne leur est pas réservée ! Nous sommes tous appelés à travailler à la vigne, chacun pour sa part, en nous accueillant mutuellement et fraternellement dans cette tâche.
Christian Le Borgne, curé