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"acclamons la Parole de Dieu"

Le pape François a voulu que ce troisième dimanche du temps ordinaire soit « dimanche de la Parole de Dieu ». C'est-à-dire, que ce dimanche, l’enseignement donné valorise la place de l’Ecriture dans la liturgie, souligne l’importance de la liturgie de la Parole.

Notre liturgie dominicale, héritée de la mise en œuvre de la réforme liturgique voulue par le Concile Vatican II, a été mise en place dans les années 1970, avec des adaptations locales. Ce qui était souhaité dans la réforme, a été bien souvent mis en œuvre de manière heureuse, mais il faut reconnaître qu'en bien des lieux, cette mise en œuvre, n’a pas été jusqu'au bout de ce qui était requis…

 

Pour comprendre le bien fondé de la réforme, rappelons nous comment se déroulait « l’avant-messe » jusque dans la fin des années 1960. En effet, c’est ainsi que l’on nommait la première partie de la messe dominicale ! Ce sont les pères de la réforme liturgique qui ont mis en valeur la notion des « deux tables », la table de la Parole, la table de l’eucharistie, toutes deux en dialogue, comme dans le récit des disciples d’Emmaüs, la fraction du pain révélant le cœur brûlant à l’écoute de la Parole.

 

Le Concile a bénéficié des travaux réalisés depuis la fin du 19ème siècle dans deux domaines spécifiques, le travail biblique, et le mouvement liturgique. Travail biblique, avec notamment les dominicains, tel le Père Lagrange et l’Ecole Biblique de Jérusalem, travaux liturgiques avec de grandes figures comme Dom Guéranger, St Pie X, Dom Botte et Guardini… Le Père Jean Daniélou publiera en 1951, soit dix ans avant le Concile, un ouvrage intitulé « Bible et Liturgie », où se trouvent déjà les grandes lignes de la réforme qui sera mise en œuvre, manifestant combien la liturgie des premiers siècles mettait en valeur et donnait à entendre la Parole de Dieu, et combien la Parole de Dieu était le premier élément constitutif de la liturgie. Ce que l’on nomme « la consécration » au cours de la messe, « la nuit qu’il fut livré le seigneur prit du pain… » n’est-ce pas la diction d’un passage de l’Ecriture (1Co 11,23-26 ; Mc 14,22-24)?

 

 

 

Une des réformes majeures a été un profond renouvellement du lectionnaire, c'est-à-dire, le choix des textes lus et commentés au long de l’année. « Ouvrir le trésor de la Bible », tel est l’objectif donné par Jean XXIII. Depuis le Concile de Trente, la liturgie de la Parole se résume à une lecture des apôtres (habituellement St Paul, Actes, éventuellement St Jean ou St Pierre), à un verset de psaume, (et non de quelques versets conséquents, entrecoupés d’un refrain) et à un passage de l’Evangile, cela sur une seule année. La réforme a entrepris de rajouter une première lecture tirée de l’Ancien testament, de répondre à cette lecture par un psaume, de manière plus conséquente qu’un seul verset, et avec cette architecture de deux lectures précédant l’évangile, un cycle de lectures sur trois années afin de restituer ce trésor de l’Ecriture. De plus, sera également créé un lectionnaire pour les célébrations de semaine, avec un cycle sur deux années pour la première lecture, suivie de l’évangile. Ce n’est donc pas « faire marche arrière », que de retenir les trois lectures, ni de chanter le psaume ; c’est un fruit du Concile qu’il nous faut préserver ! 

La réforme ne se limite pas à la refonte des lectionnaires. Elle entreprend également un aménagement des lieux.

Avant la réforme conciliaire, les lectures étaient proclamées de l’autel, dos tourné à l’assemblée, l’épitre à la main gauche, l’évangile à la main droite. (Elles étaient proclamées bien évidemment en latin !) Si nous avons trop souvent aujourd’hui dans nos églises des autels trois fois trop larges, c’est tout simplement parce que l’on a reproduit les proportions d’avant, comme si l’autel était le lieu de présidence, de proclamation de la Parole, en plus de la célébration eucharistique… Il ne suffit pas pour le célébrant, de passer de « dos au peuple » à « face au peuple », ce n’est pas cela la réforme ; le ministère du célébrant est de permettre à toute l’assemblée, et à lui le premier, d’être centrée sur le Christ, d’être auditrice de la Parole, d’être sanctifiée par le Christ, de faire corps avec lui, en lui.

Ce qui est requis aujourd’hui, et nous pouvons le voir dans l’aménagement réalisé dans le chœur de notre cathédrale, c’est de manière permanente, trois meubles différents pour manifester le Christ qui nous rassemble, pour la Parole et pour l’Eucharistie : le siège de présidence, l’ambon, l’autel. Or si je porte le regard sur beaucoup de nos églises paroissiales, trop souvent seul l’autel est valorisé. L’ambon, lieu spécifique de la proclamation de la parole, n’a pas plus d’importance que le pupitre de l’animateur. Parfois il a d’abord une fonction utilitaire, comme meuble sono (mais cela est vrai parfois aussi, hélas, pour l’autel !).

 

 

Cela se vérifie également dans le déroulement de la liturgie. Le prêtre qui préside, ou le guide des funérailles, prendra la parole pour les monitions, pour le prêtre, à l’autel, pour les deux, depuis le lieu de la Parole, ou encore l'assistant pour les interventions qui lui reviennent, ou encore les interventions des proches… Or l’ambon est le lieu qui devrait être réservé, exclusivement, à la proclamation des textes bibliques, à leur catéchèse, dans l’homélie, et aussi, à la prière universelle. Il nous faut souvent reconnaître que tel n’est pas notre pratique habituelle en tout lieu.

La réforme liturgique a voulu mettre en valeur des livres spécifiques pour manifester la Parole comme un trésor. Après le Concile de Trente, grâce à l’invention de l’imprimerie, les prêtres ont pu bénéficier d'un livre, dans lequel se trouvait l’intégralité des prières, lectures et bénédictions. Les chrétiens ont pu disposer d’une copie, grâce au mouvement liturgique qui souhaitait la "participation des fidèles", par la publication des «paroissiens romains », que l’on recevait pour la Communion Solennelle !

Aujourd’hui, le célébrant dispose du Missel pour les prières, notamment la prière eucharistique, mais les lectures et l’évangile bénéficient d’un livre spécifique, le Lectionnaire, voire pour l’évangile, l’évangéliaire. La qualité de l’édition, et le travail de mise en page, permettant une lecture facilitée, demandent que les lecteurs utilisent exclusivement le lectionnaire comme support de leur lecture, et non une revue, un missel de poche ou une feuille photocopiée. « C’est la même chose ! » me direz vous… Mais la liturgie, comme les repas de fête, exprime par les gestes et les objets ce qui est au-delà de ce que l’on voit ou de ce que l’on peut dire. Buvez vous le champagne, le soir du 31 décembre dans des verres en carton ? C’est cela aussi la liturgie.

 

 

Bien des formations ont été données dans notre diocèse, par Michel Scouarnec notamment, pour initier les chrétiens à la liturgie. J’ai beaucoup donné pour ma part, dans ce domaine. Aujourd’hui, peu de propositions, théoriques et pratiques. Certains réclament ces formations, demande légitime à accueillir. J’attends vos suggestions afin de mettre en œuvre des formations locales.

 

 

Christian Le Borgne, curé