Nous recevons ces jours-ci les « professions de foi » officielles des candidates et candidats aux élections départementales et régionales. Cela fait partie de nos traditions républicaines, et nous ne pouvons que nous réjouir d’un bon fonctionnement de la démocratie. Nous retrouvons dans l’exposition des programmes le langage « entendu » de ce genre de littérature, selon les orientations des uns et des autres …
Et nous-mêmes, si nous avions à présenter le projet de l’Eglise, de l’Evangile, quels mots, quelles expressions utiliserions-nous ?
Il y a fort à parier que nous en parlerions en termes d’organisation, de conduite, de partage des responsabilités. Il est certain que nous ferions une énumération des tâches à accomplir, des lieux et personnes à prendre en charge, nous saurions rappeler les urgences. Nous ferions sans doute référence à quelques grandes et belles figures de saintes et de saints qui ont marqué notre imaginaire, et aussi notre prière.
Et puis, avec l’esprit de notre temps, nous saurions fixer non seulement des objectifs à atteindre, mais nous saurions également fixer des échéances, avec bien sûr, le souhait d’y arriver au plus vite sans trop tomber dans l’esclavage et l’illusion du « tout tout-de-suite »
Rien de tout cela dans les paraboles du Christ. Il nous parle du Royaume, c’est à dire du projet de Dieu son Père, ce pourquoi il est venu, non en termes d’objectifs ou de moyens, ni même de temps. Il en parle avec les images du quotidien, en homme qui prend son temps, et qui accorde de l’importance aux choses ordinaires, insignifiantes. Il en est du Royaume de Dieu, comme d’une graine de moutarde, si minuscule, mais qui pourra accueillir une nichée de passereaux. Que tu dormes ou que tu t’agites, Dieu se charge de la faire germer et pousser, afin qu’elle atteigne sa maturité en temps voulu, et pas avant.
« L’homme de la Bonne Nouvelle doit entrer dans ce temps de Dieu, en rejetant toute impatience. Par-dessus tout, il ne se laissera pas
décourager par l’insignifiance des premiers résultats […] « C’est comme une graine de moutarde »[…] Ainsi en est-il du Royaume. A ses débuts, il a des apparences tout à fait
insignifiantes : une poignée de disciples, un ramassis de pauvres gens. Mais attention, laissons à la petite graine le temps de germer et de pousser : elle connaîtra des développements
immenses, sans proportion avec ses humbles débuts. D’ailleurs ces développements du Royaume ne dépendent pas de l’affairement des disciples, mais de la force cachée qui habite la
Parole »
Eloi Leclerc, "Le Royaume caché", pp.137-138
Le Christ parle en parabole, non pour enfermer le projet de Dieu dans des termes de management, mais en images qui suscitent l’interrogation,
la recherche, la conversion. On ne peut changer le monde si l’on ne change pas les cœurs, et en premier lieu, le sien. Le Royaume réclame non seulement notre suffrage, mais aussi toute notre
adhésion.
« Vous êtes une poignée de graines, dans le sol endormi ;
la terre en sera pleine, quand viendra le temps du fruit. »
Christian Le Borgne, curé