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Pardonner

Vous connaissez certainement cette toile de Rembrandt, "Le retour du fils prodigue".
Elle met en scène la parabole de Luc proclamée ce dimanche : "Un homme avait deux fils"...

 

Vous trouverez sur le net des lectures explicatives de ce tableau, toutes plus intéressantes les unes que les autres. Je vous en conseille particulièrement deux :

 

La première, plus "technique", fait une lecture du tableau, nous faisant découvrir des détails cachés :

https://www.youtube.com/watch?v=DQwd1myRKvU
Une seconde plus spirituelle :
https://www.portstnicolas.org/musee/les-tableaux/le-retour-du-fils-prodigue

 

Ce tableau nous est souvent présenté de manière "partielle"... C'est à dire, la représentation nous laisse voir le père étreignant le fils revenu, la partie en pleine lumière de l'œuvre, éliminant le contour plus sombre des spectateurs de cet amour paternel, vraisemblablement le frère ainé et les domestiques.

 

Cette réduction dans la lecture de l’œuvre de Rembrandt, nous la retrouvons dans la lecture que, souvent, nous faisons de cette parabole de la miséricorde.

Jésus, nous dit Saint Luc, faisait bon accueil aux pécheurs et publicains, aussi les pharisiens et les hommes de la loi lui en font grief. Alors, Jésus leur raconte cette parabole... En fait de parabole, nous avons trois récits, celle de la brebis perdue et retrouvée, celle de la pièce de monnaie, celle du fils "prodigue".

 

Ces paraboles nous disent la joie du Père, quand un enfant revient vers lui, quand le Pasteur retrouve sa brebis. L'Evangile, comme nous le rappelle le pape François, est un évangile de la joie ! "Réjouissez vous avec moi, mon fils était mort, il est revenu à la vie !"

 

Or, comme l'indiquent, et la parabole, et l'illustration de Rembrandt, le frère ainé reste dans le refus de ce pardon. C'est lui qui comptabilise les infractions à l'encontre du cadet. Alors que le père n'a pas laissé ce dernier placer trois mots d'un quelconque aveu, c'est l'ainé qui énonce ce qui relève de la faute : "après avoir dépensé ton bien avec des prostitués"... Il est plus facile d'énumérer ce que l'on peut reprocher aux autres que ce que l'autre pourrait nous reprocher, n'est-ce pas ?

 

Le frère ainé n'a rien a se reprocher, et en cela, il ne lui est pas donné de faire l'expérience du pardon, de la gratuité. C'est dans l'accueil du pardon, de la grâce, que se situe le cœur de l'expérience chrétienne. Nous ne sommes pas dans le registre du "mérite", mais bien de la grâce. Et parce que nous percevons cet amour fou de Dieu comme miséricordieux, il nous est donné, en réponse, de pardonner à ceux qui ont des dettes envers nous. 

 

Pas si simple ! S'il nous faut dire et redire, dans la prière du Notre Père "pardonne nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés", c'est que ce travail d'accueil du pardon est un exercice permanent ! 

Il nous faut également redire que le travail de pardon ne peut faire l'impasse sur le devoir de justice. "Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent" dit le psaume.

Je ne suis vraiment pardonné que dans la mesure ou j'accueille le pardon, et accueillir ce pardon suppose un travail de conversion et de justice, ce que l'on nomme la pénitence. Lorsque l'offense est très grave, il ne peut y avoir, au delà du pardon, réconciliation véritable, s'il n'y a pas reconnaissance de la faute et demande explicite de pardon. Alors peut commencer un chemin de pénitence, non comme une "punition", mais un chemin d'apprentissage vers plus de vérité, plus de justice, plus de fraternité.

 

Le Christ nous invite à porter le regard sur l'amour du Père ! Ce qui est en jeu, c'est sa joie de Père, qui veut dans la joie de la fête, et le fils revenu, et le frère ainé. 


A nous d'être témoins de ce regard d'amour !

 

Christian Le Borgne, curé