Les anciens, c'est à dire ceux de ma génération et de la génération précédente, se rappellent peut-être du petit catéchisme qu'il nous fallait apprendre par cœur :
-"Quel est le plus grand miracle de Jésus ?"
"Le plus grand miracle de Jésus est de s'être ressuscité lui même"
La Résurrection du Christ apparaît comme une fin heureuse au récit de la Passion, assurant de surcroît, par son aspect extraordinaire, la crédibilité des évangiles et la divinité du Christ.
Or ce langage a été, Dieu merci, profondément revisité grâce aux travaux théologiques qui ont précédés le Concile, et que ce dernier a validé : travaux bibliques, travaux de redécouverte de
l'enseignement des Pères de l’Église, travaux de renouveau de la liturgie. Déjà, dans le cadre du renouveau liturgique, le pape Pie XII avait remis en valeur le "Triduum Pascal", c'est à dire de
la liturgie du Jeudi Saint, célébrée désormais en fin de journée, de la Passion, le vendredi, et de la nuit pascale, redevenue "mère de toutes les liturgies". Jusque là, en raison notamment du
jeûne nécessaire avant de pouvoir communier, la sainte messe ne pouvait être célébrée en fin de journée !
Ce n'est pas seulement par sa souffrance et par sa mort que le Christ nous sauve... Or, nous sommes héritiers d'une forme de piété marquée par le dolorisme et une vision étroite,
incomplète, du sacrifice, hélas difficile pour beaucoup à dépasser.
En rester à cette vision de la souffrance qui nous assure le salut, a pour conséquence une forme de résignation au cœur de nos souffrances physiques, sociales, ecclésiales... Le discours des
béatitudes en est dévoyé : Aujourd'hui tu en baves, heureux es tu, à la fin du monde tu en seras rétribué ! C'est l'héritage du jansénisme qui voudrais que le salut, "ça se mérite" !
C'est aussi un langage qui défigure Dieu dans sa miséricorde, en lui attribuant la volonté de nos souffrance. Nous en trouvons encore écho, parfois, dans les avis de décès : "Il a plus à Dieu de rappeler à lui..." alors que nous chantons dans le psaume "il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens" (Ps 115, 15).
Le Christ ne s'est pas ressuscité lui même, mais comme l'affirme Pierre, "Ce Jésus que vous avez crucifié, Dieu l'a ressuscité !" (Ac 2, 32). L'amour du Fils dans sa Passion trouve réponse dans l'amour passionné du Père qui le relève d'entre les morts. Pour qui accueille avec foi cette révélation, le salut est offert. Nous savons qu'aucune force de haine, de mal ni de mort ne peux l'emporter sur l'amour, la grâce ni la vie.
La résurrection du Christ, désolé pour l'expression un peu familière, n'est pas la "cerise sur le gâteau". Elle est la clef de voute de notre foi ! Elle est la source de notre foi, celle qui nous enracine dans la promesse d'une Création nouvelle libérée du mal, ce qui nous donne d'agir résolument, dès à présent dans ce combat pour la vie, dans la dynamique de l'amour véritable.
Comment accueillir dans la foi la résurrection du Christ, sinon en reconnaissant combien malgré nos souffrances, nos échecs, nos impasses et nos péchés, l'amour de Dieu nous rejoint et nous remet debout ? L'ensemble des récits, que nous entendrons au cours du temps pascal, illustre cela, qu'il s'agisse de la rencontre de Philippe et de l'eunuque éthiopien, de la guérison du paralytique par Pierre, et bien sur, de la rencontre du Christ avec les femmes, avec Marie Madeleine, les disciples d'Emmaüs, Thomas, et les apôtres enfermés dans leur deuils, leurs incrédulités et leurs peurs. Il nous rejoint dans nos impasses pour nous ouvrir, par la clef de la croix, la porte de nos tombeaux, de l'intérieur.
La croix est le signe de reconnaissance des chrétiens. Mais à ce signe de la croix est associée l'annonce du Dieu auquel nous croyons : "Au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit". Dans notre corps, nous portons la marque de la mort du Christ, donné par amour sur la croix, nous portons la marque de l'amour du Père qui l'a engendré et relevé d'entre les morts, Premier Né des vivants, nous portons la marque de l'Esprit, souffle de vie et de renouveau, souffle qui génère une création renouvelée.
Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit... Chacun des sacrements de l’Église nous identifie au Christ, Sacrement de Dieu par excellence, qui nous manifeste et qui réalise l’œuvre du Père.
Le Fils de Dieu, dans la nature humaine qu’il s’est unie, a racheté l’homme en triomphant de la mort par sa mort et sa résurrection, et il l’a transformé en une créature nouvelle (cf. Ga 6, 15 ; 2 Co 5, 17). En effet, en communiquant son Esprit à ses frères, qu’il rassemblait de toutes les nations, il les a constitués, mystiquement, comme son corps.
Dans ce corps, la vie du Christ se répand à travers les croyants que les sacrements, d’une manière mystérieuse et réelle, unissent au Christ souffrant et glorifié [6]. Par le baptême, en effet, nous sommes rendus semblables au Christ : « Car nous avons tous été baptisés en un seul Esprit pour n’être qu’un seul corps » (1 Co 12, 13). Par ce rite sacré est signifiée et réalisée l’union avec la mort et la résurrection du Christ. « Nous avons été mis au tombeau avec lui par le baptême qui nous plonge en sa mort», et « si nous sommes devenus avec lui un même être par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une semblable résurrection » (Rm 6, 4-5). Participant réellement au Corps du Seigneur dans la fraction du pain eucharistique, nous sommes élevés à la communion avec lui et entre nous. Puisqu’il n’y a qu’un seul pain, à nous tous nous ne formons qu’un corps, car tous nous avons part à ce pain unique » (1 Co 10, 17). Nous devenons ainsi les membres de ce corps (cf. 1 Co 12, 27), « étant chacun pour sa part membres les uns des autres» (Rm 12, 5).
(Concile Vatican II - Lumen Gentium 7)
Resurrexit, sicut dixit, Alleluia !
Christian Le Borgne, curé