Lorsque Jésus raconte une parabole, il dessine à grand trait une caricature, pour nous introduire au dessein de Dieu.
‘Mon Dieu, je te rends grâce
parce que je ne suis pas comme les autres hommes
– ils sont voleurs, injustes, adultères –,
ou encore comme ce publicain.
Je jeûne deux fois par semaine
et je verse le dixième de tout ce que je gagne.’
Si la prière du pharisien nous est présentée avec excès, c'est pour mieux souligner, et donc provoquer, l'autosuffisance de cet homme qui n'attend de Dieu que reconnaissance. Tant il se justifie lui-même qu'il n'a nullement besoin d'être justifié par Dieu !
Cette attitude caricaturale du pharisien, chez Luc, peut être déployée, selon les diverses postures mal ajustées de la prière et de la vie chrétienne, l'une et l'autre partageant les mêmes travers. Ainsi, dans ce dessin de Sempé, ci-dessous : cette paroissienne, qui manifestement a quelques reproches à adresser au Seigneur, doit de la même manière, être pleine de reproches pour celles et ceux qui la côtoient...
Décédé cet été, Sempé n'était pas seulement, avec Goscinny, le père du "Petit Nicolas" ; il a su, par ailleurs, dessiner avec beaucoup de sympathie les petits travers de nos contemporains, et croquer avec finesse les élans spirituels, et les attitudes qui leurs sont associées.
Sempé, "Quelques Mystiques", éditions Denoël, 1998, page 37
Toujours dans le même album, ces petites gens que l'on retrouve dans des églises très grandes, très baroques, avec les décors qui soulignent la grandeur d'un Dieu Tout Puissant, mais qui, visiblement, n'empêchent pas que l'on converse avec lui comme on peut le faire avec un familier :
- "C'est encore moi..." (page 13),
- "Bon, maintenant, la balle est dans votre camp" (page 52)
- "A chaque office, j'essaie de chanter de toute mon âme le "Sancta Maria gratia plena", "l'Agnus Dei", qui est très beau aussi, et le magnifique "Dona nobis pacem". Mais, en fin de compte,
ce qui prédomine à chaque fois et qu'inconsciemment je fredonne, c'est "Que reste-t-il de nos amours ?" (page 15)
Et tout simplement, pour clore la prière, ce petit geste d'au revoir de la main, le regard plein de lumière et de reconnaissance , du dessin ci-dessus (page 60). (N'hésitez pas à "cliquer" dessus
pour l'agrandir)
Conversation amicale, confiante, comme un ami parle à un ami... Merci Monsieur Sempé de nous faire redécouvrir ces enseignements simples sur la prière.
L'Evangéliste Luc est celui qui évoque avec le plus d'insistance la prière du Christ, et qui donne écho aux prières de la communauté chrétienne (Cantique de Marie/Magnificat, Cantique de Zacharie/Benedictus, Cantique de Syméon/Nic Dimitus) ; il est aussi celui qui revient incessamment sur l'enseignement du Christ au sujet de la prière.
La prière est l'attitude filiale que tout un chacun doit avoir vis à vis de Dieu. Il ne s'agit pas de rabâcher "comme les païens" des formules par cœur, mais de mettre son cœur dans les mots formulés. Celui qui se présente dans sa prière comme un "ayant droit" ne sera pas exaucé, mais celui qui dans la prière fais l'effort de convertir ses désirs, pour les ajuster au projet de Dieu, celui là sera entendu.
Christian Le Borgne, curé