Comme un fauve en cage, Jean déprime du fond des geôles de Hérode...
Dimanche dernier, nous l'entendions rugir dans le désert "préparez les chemins du Seigneur" !
Homme des horizons ouverts, il est enfermé dans la forteresse de Macheronte...
Lui qui se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage entend parler de Jésus comme de quelqu'un qui ne craint pas les invitations aux repas ni même, lors d'un mariage, de changer l'eau en
vin...
Lui qui se trouve en prison pour avoir dénoncé la conduite adultère du roi, entend que Jésus fait bon accueil aux prostituées...
Lui qui annonçait un messie qui viendrait comme un bûcheron prêt à abattre tout arbre ne produisant pas de bon fruit, comme un moissonneur tenant la pelle à vanner et disposé à jeter la paille
dans le feu, entend tout autre chose de celui qu'il a désigné comme "l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde" : doux et humble de cœur, prêchant la miséricorde !
Il n'y comprend plus rien, il doute ; il envoie des disciples demander à Jésus : "Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous attendre un autre" ?
Jésus répond aux disciples de Jean de la même manière qu'il cheminera avec ses disciples, au soir de Pâques, sur la route entre Jérusalem et Emmaüs : vous qui avez cru en la promesse formulée dans les écritures, qu'avez-vous compris ? Jean reprenait l'enseignement du prophète Isaïe, aussi, c'est au travers des oracles d'Isaïe que Jésus demande de rendre compte de ses œuvres : les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent... Nous entendons cette annonce dans la première lecture de ce dimanche ; la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres, parole de l'investiture du messie "l'esprit du Seigneur est sur moi, il m'a conféré l'onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres..."
Comme les disciples d'Emmaüs, Jean le Baptiste est invité à puiser dans ce qui fonde son espérance, en acceptant de se départir de ses a priori. Le messie est bien là, mais pas de la manière dont lui Jean l'attendait, pas de la manière dont il comprenait le message du prophète.
A cette annonce, Jésus rajoute une béatitude : "Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! " ; qu'il se réjouisse celui qui n'est pas scandalisé
par cette attitude de Dieu révélée par le Christ.
Comme l'a qualifié le poète Christian Bobin, décédé le 23 novembre dernier, Dieu est "Le Très-Bas" ; ainsi le Très Bas, le Dieu des enfants, le Dieu de l'amour, celui de François d'Assise,
est posé en opposition avec le Très Haut de la religion, à l'image sévère.
Cette vision d'un Dieu humble et aimant est source de joie. Comme l'écrit le Pape François, dans "la Joie de l'Evangile", "Je comprends les personnes qui deviennent tristes à cause de graves difficultés qu'elles doivent supporter, cependant, peu à peu, il faut permettre à la joie de la foi de commencer à s'éveiller, comme une confiance secrète mais ferme, même au milieu des pires soucis" (La joie de l'Evangile §6)
Ce troisième dimanche de l'Avent est "dimanche de la joie", selon l'antienne, le chant d'ouverture de la célébration, qui reprend l'invitation de l'apôtre Paul :
"Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie.
Le Seigneur est proche".
Dieu ne nous invite pas à lire l'avenir dans la reproduction du passé, il est présent, à l’œuvre, ne cherchons pas ses chemins d'avenir dans le
rétroviseur.
Comme Jean le Baptiste, invité à reconnaître l’œuvre de Dieu là où il ne l'attendait pas, nous sommes invités à reconnaître les signes de Dieu à l’œuvre en ce temps, et à nous en réjouir.
Invités également à être des signes de joie et de paix dans ce monde qui en a tant besoin !
Christian Le Borgne, curé