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Déliez-le et laissez-le aller !

Maîtresse vitre de Locronan, détail

 

 Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous,
celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels
par son Esprit qui habite en vous

 Rm 8,11

 

 Les textes de ce jour nous annoncent la résurrection d’entre les morts.

Qu’il s’agisse de la vision d’Ezekiel, du psaume 129 « De Profundis », de la lettre aux Romains, ou de la résurrection de Lazare.

Une conviction qui va prendre corps dans la révélation biblique, mais de manière progressive.

 

Les évangiles et les Actes nous relatent que les sadducéens sont opposés aux pharisiens à ce sujet ; pour les disciples du Christ, il ne s’agit plus d’une question, mais d’une affirmation de premier ordre dans la foi chrétienne. Ce qui sera clairement énoncé dans le Credo « Je crois en la résurrection de la chair » découle de l’adhésion en la Résurrection de Jésus d’entre les morts, base de notre foi. Les premiers écrits chrétiens, notamment la lettre de Paul aux Romains, proclamée ce dimanche, sont très explicites à ce sujet.

 

La vision d’Ezekiel, nous ramène à la déportation du peuple à Babylone, sept siècles avant l’avènement du Christ. Pour comprendre cette vision des « ossements desséchés », je risque un raccourci historique : imaginez un rabbin faisant allusion aux charniers de la Shoah… ces cadavres et ces cendres peuvent ils revivre ? Ezekiel ne parle pas explicitement d’une résurrection de chaque personne individuellement ; la promesse de résurrection est pour Israël, l’esprit de Dieu est toujours à l’œuvre, sa Parole est créatrice pour susciter la vie. Ceux qui survivront à la déportation reviendront et relèveront Israël.

« 11 Puis le Seigneur me dit : « Fils d’homme, ces ossements, c’est toute la maison d’Israël. Car ils disent : “Nos ossements sont desséchés, notre espérance est détruite, nous sommes perdus !”12 C’est pourquoi, prophétise. Tu leur diras : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. »

 
C’est dans le Livre de Daniel, cent soixante années avant le Christ, qu’est affirmée clairement  la résurrection des morts, et le Jugement Dernier : « Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et la déchéance éternelles ». (Dn 6, 1 et suivants)

 

Les propos de Marthe, dans son dialogue avec Jésus, font écho à cette espérance :  « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. »

 

La résurrection de Lazare n’est pas à proprement parler celle en laquelle nous basons notre espérance. Lazare revient à la vie, à une situation antérieure de la mort, et il lui faudra une nouvelle fois connaître la mort et le tombeau pour accéder à la résurrection définitive, détaché de tous les liens de la mort. Il ne peut connaître vraiment la résurrection, puisque c’est le Christ qui est le « Premier né d’entre les morts ». Notre résurrection découlera de la sienne, comme le dit Saint Paul, « celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts, donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. »

 

Que nous enseigne alors ce récit de la « résurrection » de Lazare ?

 

Il est proclamé en ce temps de carême, dans le temps ultime de préparation au baptême des catéchumènes, avec les autres récits de Jean, à savoir la rencontre avec la Samaritaine et la guérison de l’Aveugle-né. Vraisemblablement, il a été rédigé dans cet optique de préparation ou d’approfondissement de la démarche baptismale.
"Lui-même, homme véritable, il a pleuré son ami Lazare ; Dieu éternel, il le releva du tombeau ; ainsi dans sa compassion pour le genre humain, il nous conduit par les sacrements de Pâques jusqu'à la vie nouvelle..." (Préface 5ème dimanche de Carême)

 

Nous ne savons rien de Lazare, nous ne le connaissons que par ses deux sœurs, Marthe et Marie… Visiblement c’est Marie qui prend les initiatives. J’imagine que le pauvre homme ne pouvait trouver sa place, et que la parole de Jésus est aussi à comprendre au second degré « Déliez-le et laissez-le aller ! ».

 

Le récit est un cheminement, dialogue entre Jésus et précisément l’une et l’autre sœur. Le dialogue se fait reproche amical, « si tu avais été la… » mais aussi confiance « je sais que Dieu t’accorderas ce que tu lui demandes ». Jésus invite Marthe à la foi : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? ». Il ne s’agit plus de croire ou non en la résurrection au dernier jour, ni même de « savoir », l’enjeu est de croire en Jésus le Christ. Comme dans les deux récits de la Samaritaine et de l’Aveugle, la question est posée « Crois-tu en lui ? »  Celui qui confesse la foi en Jésus le Christ accède à la source de vie, à la lumière, à la vie éternelle. Non seulement une vie « après », mais dès à présent. « La vie éternelle c’est qu’ils te connaissent, Père, et celui que tu as envoyé » (Jn 17,3).

 

Dans ce récit, il n’est pas seulement question de la mort de Lazare. Se dessine peu à peu l’annonce de la mort programmée de Jésus. Les disciples cherchent à le dissuader de revenir en Judée, de peur qu’il ne soit lapidé, et Thomas de dire courageusement, « allons-y pour mourir avec lui ! »

Jean nous rapporte l’émotion de Jésus. Le Seigneur pleurant la mort de son ami nous révèle toute la sensibilité de son humanité, mais aussi, sans doute, l’appréhension de sa propre mort. 

 

En illustration de cet article, je vous ai choisi une partie du vitrail de la grande fenêtre, dans l'église de Locronan. Cette illustration inaugure le grand récit de la Passion, il précède celui de l'entrée solennelle de Jésus à Jérusalem, récit des Rameaux.

En quelque sorte, ce récit proclamé ce dimanche est un récit de transition entre le cheminement catéchuménal du carême et l’entrée dans le temps de la Passion. Dans une semaine, nous entrerons dans la Semaine Sainte, l’heure la glorification. La gloire de Dieu, c’est la manifestation de l’œuvre de Dieu comme une Création parfaite, achevée. Jésus Christ dans le don de sa vie et sa victoire sur la mort manifeste pleinement cette œuvre du Père. Déjà le réveil de Lazare de son tombeau en est le signe précurseur. Si nous croyons en Jésus le Christ, nous sommes déjà assurés de la vie en plénitude avec lui.

 

Déjà vos tombes se descellent
Sous la poussée du Dieu vivant.
Regardez : Jésus y descend !
Appelez-le : Il vous appelle.
Venez dehors ! C’est maintenant
Le jour où la chair et le sang
Sont travaillés de vie nouvelle !

 

En quel pays de solitude

 

Christian Le Borgne, curé