Vous connaissez sans doute le mot "cardan", pièce de mécanique, que l'on trouve notamment dans la direction d'une voiture. C'est une articulation qui transmet la force du moteur à la roue, tout en permettant à celle ci de pivoter normalement, selon les indications que le conducteur donne au volant. C'est un peu ça, un cardinal !
L'origine du mot est la même ; en latin, le "cardo" est une pièce de mécanique, scellée dans la maçonnerie, et articulée, pour permettre à une porte ou à un volet de pivoter librement ; un "gond" en quelque sorte. Le Cardo est aussi dans une ville romaine, la rue principale, donnant un axe central de circulation, dans une orientation Nord/Sud ; ainsi le Cardo de Toulouse ou de Nantes. De là provient l'origine des "points cardinaux", qui permettent l'orientation.
Tout diacre, prêtre ou évêque, lié de par son ordination à un diocèse, à l'exclusion des religieux qui sont liés à une congrégation ou à un institut, est "incardiné". Ainsi, Daniel et
moi, tout comme Claude et Rémy comme diacres, sommes "incardinés" au diocèse de Quimper et Léon. François Niar est lui même incardiné au diocèse de Thies, au Sénégal, et mis à la disposition du
diocèse de Quimper. Incardinés, nous sommes en articulation entre les diverses populations qui nous sont confiées, sur un territoire donné, et l'évêque qui conduit le diocèse, dans une dynamique
commune.
Qu'est-ce que nos dignitaires, vêtus de pourpre et de leur chapeau carré à pompon rouge, ont à voir avec tout ça ? Le titre de cardinal est réservé à quelques hommes d'Eglise, choisis par le Pape, et constituant le "Collège des cardinaux". Ils sont considérés comme le clergé de l'Eglise de Rome, "incardinés" au diocèse de la Ville Eternelle, même si Jean Marc Aveline demeure évêque de Marseille, et François Bustillo évêque d'Ajaccio. Devenus cardinaux, ils se voient symboliquement attribuer la charge de diacre,(comme Mgr Christophe Pierre, nonce aux Etats Unis), de curé d'une paroisse (c'est le cas de Mgr Aveline) ou comme évêque auxiliaire d'un ensemble de paroisse de la ville de Rome, (ce qui était le cas de Mgr Etchegaray). A ce titre, conservant l'antique tradition, il leur revient d'élire l'évêque, et donc le Pape, lorsque le siège de celui-ci se trouve vacant.
Il était habituel dans l'Eglise Catholique, que le pape nomme cardinaux les évêques des grandes villes d'Europe, ou des Amériques, plus rarement des autres continents. On parlait de "siège
cardinalice" pour des évêchés tels que Lyon, Milan, Madrid... Autrefois le pape nommait un évêque cardinal comme l'évêque nommait, de manière honorifique un curé chanoine, comme une
reconnaissance...
Avec le Pape François, les choses changent. Visiblement, il nomme cardinaux des hommes qu'ils veut auprès de lui comme conseillers dans la conduite de l'Eglise. Il obéit en cela à la mission qui
lui a été confiée, lors du conclave qui l'a élu. Ce conclave était lui même précédé, sous la conduite de Benoit XVI, du synode pour la nouvelle évangélisation ; les pères du synode avaient
souligné la nécessité de prendre davantage en compte les Eglises locales, et leurs organisations régionales en conférences épiscopales. Aussi, l'une des tâches de François a été de donner
une nouvelle impulsion à la réforme des services de la curie romaine, qu'elle soit une aide à l'évangélisation et non un office centralisateur qui viendrait freiner les initiatives
propres et légitimes selon les histoires et les cultures. S'entourant d'un conseil restreint de cardinaux pour conduire la réforme de cette administration, il nomme également cardinaux des
hommes qui travaillent étroitement avec lui pour réfléchir et infléchir aux orientations de l'évangélisation. Jean Marc Aveline, lors de sa venue au Folgoët, confiait qu'il travaillait
régulièrement avec le Pape, notamment sur le dialogue avec l'Islam et les juifs, ou encore sur les problèmes migratoires de la Méditerranée.
Edgar Faure, homme politique, plusieurs fois Président du Conseil ou Président de l'Assemblée Nationale, jouait des alliances politiques en fonction des circonstances ; de lui nous vient la citation selon laquelle "ce n'est pas la girouette qui tourne, mais le vent"... Les cardinaux, pas plus que le pape, ne sont des girouettes, mais telle une boussole avec ses points cardinaux, ils donnent à la barque de l'Eglise les orientations, sur les diverses rives du monde, selon le souffle de l'Esprit.
Christian Le Borgne, curé