"Il faut de la violence pour faire la guerre. Il en faut aussi pour construire la paix. La guerre est une violence contre l'autre. La paix, une violence sur soi, la capacité à aller au-delà du ressentiment.
Dans le premier cas, il y a violence physique, destruction et mort. Dans le second, c'est une violence intérieure, une maîtrise de ses passions."
Ces propos sont signés par Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef de La Croix, dans sa chronique "Une foi par semaine" (La Croix l'Hebdo n°42756, page 39).
Pendant des mois, nos informations étaient saturées du conflit entre la Russie et l'Ukraine. Aujourd'hui, c'est la répression d'Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza qui tient la une des infos. On en oublierait tous les actes de violence et les tensions qui demeurent en Afrique, notamment au Mali et les autres lieux laissés sous silence, comme l'annexion de l'Arménie par l'Azerbaïdjan... Et l'on ne saurait être sourd aux tensions croissantes générées par la Chine qui manifeste de plus en plus ses ambitions militaires...
Je ne suis pas un spécialiste de la diplomatie ni formé à l'Ecole de guerre. J'assume tout simplement comme tout garçon de ma génération d'avoir répondu à mes devoirs de citoyen en effectuant le Service National. Cependant, comme citoyen, j'essaye au mieux de m'informer pour comprendre ce qui se passe, d'analyser les enjeux, sans être pris au piège des propos mensongers générés par des intérêts idéologiques ou financiers obscurs. Il n'y a pas d'explications simples aux problèmes complexes, et pour comprendre, par exemple, ce qui se passe actuellement en Palestine, on peut se souvenir de la conférence de presse du Général de Gaulle, alors Président de la République, le 27 novembre 1967. Tout en affirmant la légitimité de l'état d'Israël, il condamnait alors l'occupation des territoires palestiniens !
Il est de notre devoir de citoyen, par respect et devoir de mémoire vis à vis de ceux qui sont morts aux combats, de tout mettre en œuvre, selon nos responsabilités personnelles, afin de prévenir, éviter ces combats qui engendrent trop de morts et de deuils. Notre responsabilité se manifeste notamment à chaque scrutin électoral, et notre vote doit se faire selon une conscience éclairée.
Notre responsabilité citoyenne est également motivée par notre foi en Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ. Nous avons entendu au jour de la Toussaint la proclamation des Béatitudes, et notamment "Heureux les artisans de Paix... " !
Il y a maintenant soixante ans, le "bon pape" Jean XXIII publiait son encyclique "Pacem in Terris", dénonçant notamment l'illusion et les injustices générées par la course à l'armement. Deux ans plus tard, Paul VI dans ce sillage, se rendait à l'ONU et faisait retentir cette parole prophétique "Plus jamais la guerre", en pleine guerre du Vietnam ! Il rappelle les grands principes de cette institution selon lesquels " les rapports entre les peuples doivent être réglés par la raison, par la justice, le droit et la négociation et non par la force, ni par la violence, ni par la guerre non plus que par la peur et par la tromperie."
Jean Paul II dès sa première encyclique « La paix se réduit au respect des droits inviolables de l’homme […], tandis que la guerre naît de la violation de ces droits et entraîne encore de plus graves violations de ceux-ci », jusqu'au terme de son pontificat, n'a cessé de dénoncer et combattre la logique et les racines de la violence : "Non à la guerre ! Elle n’est jamais une fatalité. Elle est toujours une défaite de l’humanité".
Il faut se rappeler comment Benoit XVI condamnait dans ses homélies et ses messages, dans des termes très durs, ceux qui sèment la violence et la guerre dans le monde..."
"Seigneur, réalise totalement ta promesse: brise les bâtons des tortionnaires, brûle les
chaussures bruyantes (des soldats), fais que finisse le temps des manteaux couverts de sang"
François s'inscrit pleinement dans la lignée de ses prédécesseurs, inscrivant cette dénonciation des conflits dans une analyse pertinentes des causes qui les génèrent et qui sont autant de crises en devenir ; l'accès aux richesses de la création, des ressources énergétiques, des biens vitaux comme l'eau sont autant d'enjeux "qu'il est prévisible que le contrôle de l'eau par de grandes entreprises mondiales deviendra l'une des principales sources de conflits de ce siècle" ("Laudato si" § 31)
Dans sa dernière encyclique, "Laudate Deum", il nomme le combat spirituel de notre époque.
Agis ! La Création tout entière attend que tu t’engages, que nous changions vraiment, à hauteur des enjeux (LD n. 68). Engage-toi personnellement, à ton propre niveau, dans ta vie
ordinaire. Ce ne sera pas suffisant (LD n. 69), mais c’est indispensable pour provoquer le changement culturel nécessaire (LD n. 70).
La faiblesse des politiques peut être vue comme une invitation à agir ensemble pour contrôler ce pouvoir si puissant en théorie et si impuissant dans les faits à agir pour le soin de la maison
commune (LD n. 38). À toi et à nous d’inventer ces nouvelles formes de citoyenneté locale, nationale et mondiale qui exercent une « saine pression» politique, y compris avec une
certaine forme de radicalité si nécessaire face au vide actuel (LD n. 58).
Agis donc ! Personnellement, collectivement, politiquement. N’aie pas peur de l’activisme. Il est un danger, mais si ton action et notre action collective sont l’expression visible de notre vie spirituelle ancrée dans l’Esprit du Fils du Créateur, Jésus le Crucifié-Ressuscité, alors nous ne craignons rien. Il est le Sauveur et Il est avec nous « tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20).
Voilà une exhortation qui nous incite à nous faire violence à nous mêmes, mais le combat en vue du droit, de la justice et de la paix est à ce prix !
Christian Le Borgne, curé