Monastère de Keur Guileye - Sénégal
Nous n'avons pas cette année un dimanche du Baptême du Seigneur, l'Epiphanie étant célébrée après le 6 janvier !
Nous avons cependant, dans l'Evangile selon Saint Jean, mention du Baptiste qui invite ses disciples à suivre Jésus. Ce récit nous donne à entendre ce dialogue entre Jésus et ses premiers
disciples
"- Que cherchez-vous ?
- Rabbi, ou demeures-tu ?
- Venez et vous verrez".
Ceux qui ont vécu, comme moi, les JMJ de Paris en 1997 gardent un souvenir fort de ce passage, thème des journées mondiales... "Maître, ou demeures-tu ?"
Dans la foulée de ce dialogue, André, l'un des deux disciples, va appeler son frère Simon pour le présenter à Jésus, puis suivra l'appel de Nathanaël...
Nous entendrons un autre récit de l'appel des disciples, cette fois dans l'Evangile selon Saint Marc, dans huit jours. Le scénario est alors totalement différent, ce n'est plus Jean qui incite
ses disciples à suivre le Christ, ni les disciples qui s'interpellent entre eux, mais Jésus qui les appelle de sa pleine initiative et autorité.
Comment comprendre cette différence, qui n'est pas anodine ?
On peut, tout d'abord, l'expliquer par l'étalement dans le temps de la rédaction des évangiles. Lorsque Marc collecte et met par écrit les récits des disciples de Jésus, la communauté chrétienne
primitive a encore en son sein les apôtres qui ont connu Jésus depuis l'appel au bord du lac de Gallilée.
La rédaction de l'Evangile de Jean étant plus tardive, les apôtres ont subi la persécution, et ceux qui deviennent disciples de Jésus, comme nous aujourd'hui, le sont par l'intermédiaire de ceux
qui ont été disciples avant eux. A part Saul sur le chemin de Damas, plus personne n'est appelé "en direct", sans médiation, par Jésus, après sa Résurrection et son Ascension !
On peut également l'expliquer, c'est l'un des ressorts de l'évangile de Jean, par une réflexion spirituelle, théologique et pastorale, sur la vie chrétienne, et dans ce récit, sur la dynamique de
toute "vocation".
Si nous sommes chrétiens, baptisés, disciples de Jésus et de son Evangile, c'est parce que des parents, des éducateurs, des témoins, ont été, tel Jean Baptiste ou André, des disciples, qui nous
ont fait découvrir "L'Agneau de Dieu" selon Jean, "Le Messie" selon André. C'est par des médiations humaines et ecclésiales que l'appel nous est transmis, et qu'il nous est donné de répondre à la
question du Christ "Que cherchez-vous ?"
Au-delà de cette médiation, nous reconnaissons que toute vocation trouve sa source dans l'appel du Christ, de la part du Père, qui nous est adressé. "Venez à ma suite, et je ferai de vous des
pêcheurs d'hommes" !
Au final, quelque soit la médiation à l'origine de l'appel, une "vocation" est toujours reconnue et validée par un appel de l'Eglise, en la personne de l'évêque ou de celui ou celle à qui il a
donné autorité.
Reprenant un enseignement d'un de mes professeurs des plus prestigieux, je trouve regrettable une forme de communication pour susciter les vocations, présentées uniquement comme appel intime et
secret de Jésus au profond de l'âme du jeune...
Il est vrai que Dieu nous appelle dans le secret de notre conscience, mais comment entendre cet appel, susciter une réponse généreuse, si cet appel n'est pas éveillé par des chrétiens, eux-mêmes
disponibles dans leur réponse ? André et l'autre disciple ont entendu l'invitation du Baptiste, et André ira solliciter Simon... C'est ainsi qu'aujourd'hui des catéchumènes feront le récit de
leur découverte de Jésus, que des diacres seront appelés au ministère ordonné, et que les séminaristes diront dans quelles circonstances il leur aura été donné de frapper à la porte ou d'un
presbytère, ou d'une aumônerie, ou d'un évêché...
Cette culture des vocations, nous avons à la mettre en oeuvre. Dans l'époque glorieuse de l'Action Catholique, La JAC, puis le MRJC, la JOC, l'ACO, l'ACI ou le CMR, il y avait des "vicaires
cantonaux", des aumôniers diocésains qui allaient à la rencontre des jeunes, des couples qui leurs étaient signalés. Ces mouvements ont vu leur dynamisme s'effondrer quand le clergé a perdu et
ses effectifs et sa disponibilité, et l'on constate que les mouvements qui survivent, tant auprès des jeunes (scoutisme, MEJ...) que des adultes (Equipe Notre Dame, Renouveau,etc...), sont des
mouvements où les personnes impliquées savent proposer, inviter : "venez et voyez" !
Nous voulons mettre en œuvre dans notre paroisse, comme cela nous est proposé sur notre diocèse, des "petites fraternités chrétiennes". De quoi s'agit-il ? De petites unités de six ou huit personnes, en couple ou célibataires, constituées par affinité, pour partager l'Evangile, se porter dans la prière, vivre le partage fraternel, selon un rythme régulier, environ une fois par mois.
Cette proposition ne pourra se mettre en place que si quelques personnes acceptent d'inviter d'autres personnes qui leur sont proches, avec qui elles envisagent la possibilité d'une rencontre fraternelle, chrétienne, en disciples du Christ. Pour "demeurer" avec lui...
Christian Le Borgne, curé