Cathédrale Notre Dame e l'Assomption, Lescar (64)
Cherchez un récit de la Bible où il est fait mention de serpent, toujours vous trouverez une allusion à l'auteur du mal. "Le serpent était le plus rusé des animaux de la création", dit la Genèse...
Dans le monde hostile au peuple hébreux, il est le signe de la toute puissance sur la couronne de pharaon ! Dans les religions païennes, il est signe des dieux de la fertilité et de l'éternité... Et donc à rejeter par les fils d'Abraham qui ne croient qu'en un seul Dieu dont toute image de lui est interdite !
Dans notre littérature contemporaine, et nos œuvres cinématographiques, le serpent est rarement représenté de manière amicale : chez Walt Disney, dans les dessins animés de notre enfance, il est Kaa dans "Le livre de la Jungle" sussurant au "petit d'homme" Mooglie "Aie confiance....", tout en l'hypnotisant et en l'enlaçant de ses anneaux mortels. Il est également le Triste Sire, dans Robin des Bois, conseiller de l'ombre du Prince Jean, usurpateur du trône de Richard, pour le plus grand malheur des pauvres et des petits de Notthingam... Chez Harry Potter, le thème du serpent se conjugue avec toutes les avanies de la domination, du mensonge, de la ruse et de la mort, Serpentar, basilic ou Nagini...
Dans notre langage courant, nous traitons de "langue de vipère" les colporteurs de paroles venimeuses !
Aussi il est difficile de comprendre que Moïse ai fait ériger un serpent de bronze sur un mat afin d'échapper aux morsures des serpents venimeux du désert ! Certains commentaires avancent que le peuple doit regarder son péché et le reconnaître afin d'obtenir le salut... Sans doute ! Je suis personnellement porté à accueillir les propos de biblistes qui s'accordent pour dénoncer une faute, un péché, de la part de Moïse. Lui qui s'est emporté contre son peuple qui a érigé un veau d'or, a capitulé en acceptant une idole païenne, lassé des récriminations et menaces de celui-ci !
Élément probant pour accréditer cette thèse, ce serpent de bronze érigé par Moïse sera détruit par le roi Ezékias lors de la grande réforme religieuse qu'il entreprit pour chasser toute forme d’idolâtrie dans le culte au Dieu d'Israël :
La troisième année du règne d’Osée, fils d’Éla, roi d’Israël, Ézékias, fils d’Acaz, roi de Juda, devint roi. Il fit ce qui est droit aux yeux du Seigneur, tout comme avait fait David, son ancêtre.
C’est lui qui supprima les lieux sacrés, brisa les stèles, coupa le Poteau sacré et mit en pièces le serpent de bronze que Moïse avait fabriqué ; C’est dans le Seigneur, le Dieu d’Israël, qu’Ézékias mit sa confiance, et aucun des rois de Juda ne lui fut comparable ni avant ni après lui. (2 Rois, 18, 1-8).
Saint Jean nous relate la rencontre entre Jésus et Nicodème, dans un dialogue où l'on retrouve son style narratif très particulier, une incompréhension permettant un approfondissement du sujet. Nicodème, vieux notable parmi les grands rabbins de Jérusalem, vient de nuit, en grand secret, pour s'entretenir avec Jésus. Tous deux connaissent bien les ambiguïtés de ce serpent d’airain, dans la mémoire d'Israël. Jésus aborde cet élément de l'histoire, afin de souligner ce qui est le scandale de la foi.
C'est Dieu qui a suscité son peuple, qui l'a libéré de l’esclavage, qui lui a donné une charte d'alliance. Le peuple sans cesse s'est rebellé. Mais ceux qui sont capables de regarder dans les yeux leur péché, et de le reconnaître, sont sauvés... "Je rendrais grâce au Seigneur en confessant mon péché" dit le Psaume.
De même, celui qui est venu de Dieu, dans le monde et que le monde n'a pas reçu, "identifié au péché", comme l'écrit Saint Paul, condamné comme un esclave au
supplice de la croix, devient la source du salut pour qui le reconnait comme Christ et Seigneur.
"Il s'est abaissé, Dieu l'a exalté" chanterons nous le dimanche des Rameaux.
« Élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32) : cette promesse de Jésus s’accomplit actuellement, depuis que le gibet de la croix est devenu le signe paradoxal de notre espérance.
Ce quatrième dimanche de carême nous invite à faire la lumière, à accéder à la vérité. Regarder vers nos serpents brûlants vaincus par la vérité, le pardon et l’amour de Dieu, est le défi dans la foi et l'humilité que nous avons à relever. « C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des actes : personne ne peut en tirer orgueil ».
Alors, quels sont ces serpents dont nous faisons des idoles ?
En ce temps de Carême, allons chercher les vrais antidotes aux morsures brûlantes des venins qui empoisonnent notre marche… Contemplons le Christ, qui s'est identifié au péché pour nous en délivrer !
Christian Le Borgne, curé.