Parole et Liturgie

Proclamation de l'entrée de Jésus à Jérusalem, rythmée des acclamations de la foule, "Hosanna-Hosanna", suivie de la proclamation du récit de la Passion selon St Marc ce dimanche - messe chrismale mercredi, puis mémorial du repas pascal et de l'institution de l'Eucharistie jeudi, récit de la Passion selon Saint Jean et vénération de la Croix Vendredi, récits de la Résurrection Dimanche de Pâques, sans oublier la Vigile Pascale, avec ses sept passages de l'Ancien testament, son épitre de Paul et bien sur l'Evangile des femmes aux tombeau ! Comme le disait un bibliste, retirez la Parole de Dieu de la liturgie, il ne vous reste plus que des gestes muets ; mais ces gestes silencieux, comme la vénération de la Croix, nous ramènent encore à l'évocation de l'Ecriture !

 

"Qu'en était-il donc hier, qu'en est-il aujourd'hui, dans nos paroisses, de l'annonce de la Parole de Dieu et de la vie sacramentelle, et plus particulièrement de leurs rapports ? (...)
Le prêtre lisait bien l'épitre et l'évangile, mais pour lui-même, en tournant le dos à tout le monde, dans une langue inintelligible, et d'ailleurs sans le moindre souci d'être entendu de personne. Pendant ce temps, les plus pieux des fidèles lisaient dans leurs livres de dévotes sornettes sur le Christ allant de Caïphe à Pilate, tandis que l'enfant de chœur déplaçait le livre (...)"
 Ceci n'est pas une caricature, mais les doctes propos du R P Bouyer, professeur à l'Institut Catholique de Paris, lors du 3ème Congrès National du Centre de Pastoral Liturgique, en 1958. Ce congrès est un élément témoin de toute l'œuvre accomplie par le mouvement liturgique, qui a donné aux pères du Concile Vatican II tous les éléments nécessaires à la réforme liturgique dont nous bénéficions.

 

L'Introduction Générale de nos lectionnaires liturgiques, c'est à dire les livres où nous trouvons les lectures pour nos diverses célébrations, rappelle que "La liturgie, juive puis chrétienne, a été l'un des berceaux de la Bible, sans doute même le berceau principal, au point que l'on a pu écrire que la Bible est né de la liturgie. Réciproquement, la Bible est la source principale de la liturgie, dans ses textes et dans ses rites. Enfin, la liturgie est, dans la vie des croyants, le plus important milieu porteur de la Bible ; c'est la liturgie qui donne au texte de devenir parole vivante pour la communauté."

 

Comment comprendre ces belles paroles ?


- La liturgie, berceau principal de la Bible :

Michel Berder nous enseignait que la Passion selon Saint Marc, proclamée ce dimanche, est vraisemblablement le premier travail de rédaction des Evangiles. De même que les juifs avaient rédigé, pour être proclamé, au cours du rite pascal, le récit de la sortie d'Egypte, récit que nous entendrons jeudi soir, les chrétiens ont mis par écrit, afin d'être proclamé dans la liturgie pascale, la tradition orale de la Passion du Seigneur. 
C'est pour un cadre liturgique de pèlerinage, de pénitence, d'action de grâce, que les psaumes ont été écrits...

 

- La Bible source principale de la liturgie :

Que serait l'eucharistie, sans le passage de Paul aux Corinthiens proclamé également jeudi ? "Je vous transmets ce que j'ai moi même reçu de la tradition du Seigneur : La nuit qu'il fut livré, le Seigneur pris du pain...".

 

La célébration des baptêmes dans la nuit pascale ne fait pas seulement écho à une Parole que nous entendrons à l'Ascension, "baptisez les au Nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit", mais mais nous est annoncée dans ce long récit de la Création qui célèbre l'origine de toute vie, récit de l'Exode d'un Dieu libérateur, paroles des prophètes "Je verserai sur vous une eau pure et vous serez purifiés, je mettrai en vous mon esprit", enseignement de saint Paul "Par le baptême vous avez été mis au tombeau, avec le Christ, pour mener avec lui une vie nouvelle...".

 

Sans oublier les psaumes, prière du peuple juif, devenu par le Christ, notre communion a sa prière, comme ce dimanche "Mon Dieu, pourquoi m'as tu abandonné ?" et comme aux jours de Pâques "Non je ne mourrai pas je vivrai, pour annoncer les actions du Seigneur - Ce jour que fit le Seigneur est un jour de joie, Alléluia !"

 

- La liturgie est, dans la vie des croyants, le plus important milieu porteur de la Bible :

Chacun peut aujourd'hui, sans difficulté, accéder aux textes bibliques et à leurs commentaires ; ce ne sont pas les sites qui manquent sur le réseau internet ! Sans grever son budget, il est possible d'acquérir une Bible avec ses notes explicatives ; chacun peur rejoindre un groupe de lecture et de partage de la Bible...

 

Il n'en demeure pas moins que le lieu premier d'écoute de la Bible est l'assemblée liturgique. Si tout un chacun peut lire et étudier un récit biblique comme on lit le "Commentaire de la guerre des Gaules" de Jules César ou une œuvre poétique, c'est la liturgie qui confère au livre lu et proclamé son statut de "Parole de Dieu".

Le Concile Vatican II, énonçant les diverses présences de Dieu et du Christ dans la liturgie affirme ceci : "Il est là présent dans sa parole, car c'est lui qui parle tandis qu'on lit dans l'Eglise les Saintes Ecritures. Enfin il est là présent lorsque l'Eglise prie et chante les psaumes, lui qui a promis : "Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là aux milieu d'eux"(Mt 18,20) - SSC 7

 

Alors, faut-il se plaindre ou au contraire se réjouir, lorsque la liturgie nous ouvre le trésor de la Parole ? "Trop long... trop de textes... on ne comprend pas..." ; certes, on ne comprends pas tout, ce qui veut dire que l'on a encore à comprendre ! Il est de la mission du ministre ordonné de faire une homélie, non en fonction du chronomètre, mais de la nécessité de partager ce goût de la Parole, aujourd'hui ! 

 

Avec joie, entrons dans cette Semaine Sainte ! 

 

Christian Le Borgne, curé