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Saint Sacrement

Je n'oublie point mon engagement. A vous qui venez d'être baptisés j'avais promis un discours sur le sacrement de la table sacrée, sacrement que vous contemplez en ce moment même et auquel vous avez participé la nuit dernière. Vous devez connaître en effet ce que vous avez reçu, ce que vous recevrez encore, ce que vous devriez recevoir chaque jour.

Ce pain donc que vous voyez sur l'autel, une fois sanctifié par la parole de Dieu, est le corps du Christ. Ce calice, ou plutôt ce que contient ce calice, une fois sanctifié aussi par la parole de Dieu, est le sang du Christ; et le Christ Notre-Seigneur a voulu par là proposer à notre vénération son propre corps et ce sang qu'il a répandu en notre faveur pour la rémission des péchés.

Mais si vous les avez bien reçus, vous êtes ce que vous avez reçu, sans aucun doute. « Si  nombreux que nous soyons, dit en effet l'Apôtre, nous sommes tous un seul pain, un seul corps (1) ». Ainsi fait-il connaître la signification de ce sacrement, reçu à la table du Seigneur : « Nous sommes tous un seul pain, un seul corps; si nombreux que nous soyons ». Ce pain sacré nous apprend donc combien nous devons aimer l'union.

En effet, est-il formé d'un seul grain? N'est-il pas au contraire composé de plusieurs grains de froment? Ces grains, avant d'être transformés en pain, étaient séparés les uns des autres; l'eau a servi à les unir après qu'ils ont été broyés. Car si le froment n'est moulu, et si la farine ne s'imbibe d'eau, jamais on n'en fait du pain. C'est ainsi que durant ces jours passés vous étiez en quelque sorte écrasés sous le poids des humiliations du jeûne et des pratiques mystérieuses de l'exorcisme. L'eau du baptême est venue comme vous pénétrer ensuite, afin de faire de vous une espèce de pâte spi. rituelle. Mais il n'y a pas de pain sans la chaleur du feu. De quoi le feu est-il ici le symbole? Du saint chrême: car l'huile qui enta tient le feu parmi nous est la figure de l'Esprit-Saint. Soyez attentifs à la lecture des Actes des Apôtres; c'est maintenant, c'est aujourd'hui même qu'on commence à lire cet ouvrage, et quiconque veut faire des progrès dans la vertu, trouve là des moyens pour réussir. Quand vous venez à l'église, laissez de côté vos vains entretiens et appliquez-vous à étudier les Ecritures; nous sommes pour vous comme les livres qui les renferment. Remarquez donc et reconnaissez que le Saint-Esprit descendra le jour de, la Pentecôte. Comment viendra-t-il ?Comme un feu, puisqu'il s'est montré sous la forme de langues de feu. C'est lui en effet qui nous inspire la charité afin de nous, enflammer d'ardeur envers Dieu et de nous pénétrer de mépris pour le monde, afin encore de consumer en nous ce qui d comme la paille et de purifier notre corps comme on purifie l'or. Ainsi donc le Saint-Esprit viendra comme le feu après l'eau, et vous deviendrez un pain sacré, le corps de Jésus-Christ. N'est-il pas vrai alors que le sacrement de la table sainte nous rappel l'unité ?

 

St Augustin, évêque d'Hyppone, Sermon 227

 

8. Quand je pense à l'Eucharistie, tout en regardant ma vie de prêtre, d'évêque, de Successeur de Pierre, je me rappelle spontanément les nombreux moments et lieux où il m'a été donné de la célébrer. Je me souviens de l'église paroissiale de Niegowić, où j'ai exercé ma première charge pastorale, de la collégiale Saint-Florian à Cracovie, de la cathédrale du Wawel, de la basilique Saint-Pierre et des nombreuses basiliques et églises de Rome et du monde entier. J'ai pu célébrer la Messe dans des chapelles situées sur des sentiers de montagne, au bord des lacs, sur les rives de la mer; je l'ai célébrée sur des autels bâtis dans les stades, sur les places des villes...

Ces cadres si divers de mes Célébrations eucharistiques me font fortement ressentir leur caractère universel et pour ainsi dire cosmique. Oui, cosmique! Car, même lorsqu'elle est célébrée sur un petit autel d'une église de campagne, l'Eucharistie est toujours célébrée, en un sens, sur l'autel du monde. Elle est un lien entre le ciel et la terre. Elle englobe et elle imprègne toute la création. Le Fils de Dieu s'est fait homme pour restituer toute la création, dans un acte suprême de louange, à Celui qui l'a tirée du néant. C'est ainsi que lui, le prêtre souverain et éternel, entrant grâce au sang de sa Croix dans le sanctuaire éternel, restitue toute la création rachetée au Créateur et Père. Il le fait par le ministère sacerdotal de l'Église, à la gloire de la Trinité sainte.

C'est vraiment là le mysterium fidei qui se réalise dans l'Eucharistie: le monde, sorti des mains de Dieu créateur, retourne à lui après avoir été racheté par le Christ.

 

JEAN-PAUL II - ENCYCLIQUE ECCLESIA DE EUCHARISTIA



Les implications sociales du Mystère eucharistique

 

89. L'union au Christ qui se réalise dans le Sacrement nous ouvre aussi à une nouveauté dans les rapports sociaux: « la “mystique” du Sacrement a un caractère social ». En effet, « l'union au Christ est en même temps union avec tous ceux auxquels il se donne. Je ne peux avoir le Christ pour moi seul; je ne peux lui appartenir qu'en union avec tous ceux qui sont devenus ou qui deviendront siens ». 

À ce propos, il est nécessaire d'expliciter la relation entre Mystère eucharistique et engagement social. L'Eucharistie est sacrement de communion entre frères et sœurs qui acceptent de se réconcilier dans le Christ, lui qui a fait des Juifs et des païens un seul peuple, abattant le mur d'inimitié qui les séparait (cf. Ep 2, 14). C'est seulement cette constante tension en vue de la réconciliation qui permet de communier dignement au Corps et au Sang du Christ (cf. Mt 5, 23-24).

Par le mémorial de son sacrifice, il renforce la communion entre les frères et, en particulier, il pousse ceux qui sont en conflit à hâter leur réconciliation en s'ouvrant au dialogue et à l'engagement pour la justice. Il est hors de doute que la restauration de la justice, la réconciliation et le pardon sont des conditions pour bâtir une paix véritable. 

De cette conscience naît la volonté de transformer aussi les structures injustes pour restaurer le respect de la dignité de l'homme, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. C'est au moyen du développement concret de cette responsabilité que l'Eucharistie devient dans la vie ce qu'elle signifie dans la célébration. Comme j'ai eu l'occasion de l'affirmer, ce n'est pas le rôle propre de l'Église de prendre en charge le combat politique pour réaliser la société la plus juste possible; toutefois, elle ne peut et ne doit pas non plus rester à l'écart de la lutte pour la justice. L'Église « doit s'insérer en elle par la voie de l'argumentation rationnelle et elle doit réveiller les forces spirituelles, sans lesquelles la justice, qui requiert toujours aussi des renoncements, ne peut s'affirmer ni se développer ». 

 

Dans la perspective de la responsabilité sociale de tous les chrétiens, les Pères synodaux ont rappelé que le sacrifice du Christ est mystère de libération qui nous interpelle et qui nous provoque continuellement. J'adresse donc un appel à tous les fidèles pour qu'ils soient réellement des artisans de paix et de justice: « Celui qui participe à l'Eucharistie doit en effet s'engager à construire la paix dans notre monde marqué par beaucoup de violences et de guerres, et aujourd'hui de façon particulière, par le terrorisme, la corruption économique et l'exploitation sexuelle ».  Ce sont tous des problèmes qui, à leur tour, produisent d'autres phénomènes avilissants qui suscitent une vive préoccupation. Nous savons que ces situations ne peuvent être affrontées de façon superficielle. C'est précisément en vertu du Mystère que nous célébrons qu'il nous faut dénoncer les situations qui sont en opposition avec la dignité de l'homme, pour lequel le Christ a versé son sang, affirmant ainsi la haute valeur de toute personne.

 

Benoît XVI, Exhortation apostolique "Le Sacrement de l'Amour"

 

5. Le monde ne le sait pas encore, mais tous sont invités au repas des noces de l’Agneau (Ap 19, 9). Pour être admis au festin, il suffit de porter l’habit de noces de la foi, qui vient de l’écoute de sa Parole (cf. Rm 10, 17) : l’Église taille ce vêtement sur mesure, avec la blancheur d’un tissu lavé dans le Sang de l’Agneau (cf. Ap 7, 14).

Nous ne devrions pas nous permettre ne serait-ce qu’un seul instant de repos, sachant que tous n’ont pas encore reçu l’invitation à ce repas, ou que d’autres l’ont oubliée ou se sont perdus en chemin dans les méandres de la vie humaine.

C’est ce dont je parlais lorsque je disais : « j’imagine un choix missionnaire capable de transformer toute chose, afin que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale devienne un canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel, plus que pour l’auto-préservation » (Evangelii gaudium, n° 27) : afin que tous puissent s’asseoir au repas du sacrifice de l’Agneau et vivre de Lui.


Pape François, lettre apostolique Desiderio Desideravi