Le pape François prend la pose avec tous les participants au Synode pour la photo souvenir © Vatican Media
Samedi dernier s'est achevé à Rome, le Synode sur la synodalité. Un nom qui semble étrange et qui demande à être expliqué...
Un synode, c'est une rencontre des évêques autour du pape, ou lors d'un synode diocésain, de délégués des paroisses des services et des mouvements autour de l'évêque, pour aborder ensemble une question pastorale précise.
La synodalité est le processus mis en œuvre pour élaborer un projet, processus de concertation et de consultation du plus grand nombre en vue d'une décision. Les "délégués" choisis pour participer à ce travail auront eux même, en amont, consulté les groupes d'Eglise, les communautés qu'ils représentent.
Alors qu'un synode est un évènement exceptionnel, la synodalité, selon les voeux du Concile Vatican II, devrait être le processus permanent en Eglise, au travers des conseils et des débats, lorsque des décisions d'importance sont à prendre. L'enjeu de ce synode était d'inscrire de manière plus ferme, au sein de l'Eglise Catholique, ce processus de concertation, de discernement, permettant aux autorités reconnues de veiller à la mise en oeuvre des décisions. Cet enjeu, les responsables de la conduite du synode l'ont tenu tant dans les objectifs que dans la méthode.
Ce qui était en jeu dans ce travail conséquent, rythmé par deux cessions elles-mêmes précédées de consultations, ce ne sont pas les "grandes décisions" marquantes, ce qui peut nourrir des frustrations, mais la mise en place d'un processus permanent, nécessitant une conversion des manières de faire, et aussi conversion des cœurs, pour accepter de tenir compte de l'avis de tous, des regards bienveillants et de respect des rythmes de chacun. Ainsi, le débat sur la possibilité d'ouvrir le ministère de diacre aux femmes a été abordé et débattu, mais ce ministère, pourtant remis en valeur il y a bientôt soixante ans, n'est actuellement présent qu'en Occident, à hauteur de 95 %. Un cheminement synodal est une cordée plus qu'un marathon !
Habituellement, au terme d'un synode, une commission rédige un texte de synthèse qui est remis au Pape. Celui-ci rédige alors un document appelé "Exhortation Apostolique", dans lequel il retient et promulgue ce qui lui semble bon et nécessaire pour la vie de l'Eglise.
Surprise, au terme du synode, François a annoncé samedi qu'il n'y aurait pas d'exhortation apostolique mais qu'il promulguait dans l'état les conclusions, donnant ainsi toute son autorité aux décisions votées par l'assemblée synodale.
Autre surprise, dans l'actualité romaine, le pape François publie une encyclique ayant pour sujet la dévotion au Sacré-Coeur ! Surprise, parce que les projecteurs étaient braqués sur le travail du synode bien plus que sur la piété ; surprise également, car l'enseignement de François, dans ses encycliques, depuis le début de son pontificat, portait davantage sur les exigences sociales et sociétales, à savoir la fraternité, notamment vis à vis des périphéries existentielles et des migrants, ou encore le défi climatique et le respect de la création... Il surprend sur un terrain ou on ne l'attendait pas.
Sans doute avons-nous besoin d'une "mise à jour" dans ce que nous savons de la dévotion au Sacré Coeur de Jésus. Il est de bon ton de mépriser les formes de dévotions qui nous semblent désuètes,
et il bon aussi de purifier les formes d’idolâtrie qui détournent de la juste piété. Je pense à cet excès de nationalisme, d’invocation du Sacré Coeur au secours de la patrie :
"Dieu de clémence, ô Dieu vainqueur, Sauvez, sauvez la France – Au nom
du Sacré-Cœur ". Est-ce pour la France plus que pour toute autre nation que le Christ a donné sa vie ? Et bien des formes de ce nationalisme étroit nous rendent aveugles et
sourds aux appels véritables de l'Evangile... La dévotion au Sacré Coeur ne peut aller de paire avec l'antisémitisme ou le discours de rejet de l'étranger.
La dévotion au Sacré Cœur trouve son origine dans l'Evangile de Jean, il nous est dit dans le récit de la Passion, que le soldat transperça le côté du Christ d'un coup de lance, et que du côté ouvert coulent le sang et l'eau.
Un courant mystique va se développer, particulièrement en France, pour souligner que dans ce témoignage de l'évangéliste nous est révélée la miséricorde de Dieu. "Dieu a tant aimé le monde, qu'il nous a donné son Fils...".
Saint Jean Eudes (1601-1680) développe le langage imagé du cœur, comme le centre de la rencontre entre le Père et le Fils, et au cœur de cette rencontre, nous est révélé l'amour de Dieu pour notre humanité.
L'apparition du Sacré Cœur à une religieuse de Paray Le Monial, (1673-1675) n'aurait pas eu le retentissement que l'on sait auprès des chrétiens sans l'action du Père Claude de la Colombière, jésuite, prédicateur et confesseur de la voyante, sœur Marguerite Marie.
Cette dévotion au Sacré Cœur sera décriée par les jansénistes, hommes pieux qui estimaient que le salut était question de mérite et de sacrifice, non de la seule miséricorde divine.
S'appuyant sur l'enseignement et la tradition ignatienne du Père de la Colombière, le pape François, lui même jésuite, rappelle tous les fruits apportés par cette dévotion "réparatrice" que l'on retrouvera chez bien des mystiques français, aussi divers que Sainte Thérèse, Madeleine Delbrel ou Charles de Foucault. A cela, il apporte une touche nouvelle, ouvrant le cœur à cœur avec le Christ au cœur ouvert à toute l'humanité, nous invitant à la rencontre avec tout homme, au "cœur des masses" comme dirait Madeleine Delbrel.
La dévotion de réparation, inscrite dans les révélations de Paray le Monial, le pape François la développe, il invite à la prière pour la réparation d'une humanité blessée. " En même temps que le cœur du Christ nous conduit au Père, il nous envoie vers nos frères" (§163) Un cœur humain qui fait place à l’amour du Christ par une confiance totale, et qui Lui permet de se déployer dans sa vie par son feu, devient capable d’aimer les autres comme Lui, en se faisant petit et proche de tous (§203)
Au terme du synode, le pape publie une encyclique qui ravive la piété, mais ne nous méprenons pas. Il met en garde contre une forme de piété qui oublie la mission, tout autant
qu'un engagement au service de l'Evangile qui oublierait de se ressourcer à l'amour ardent du Christ.
La proposition chrétienne est attrayante lorsqu’elle est vécue et manifestée dans son intégralité, non pas comme un simple refuge dans des sentiments religieux ou dans des rites somptueux. Quel culte serait rendu au Christ si nous nous contentions d’une relation individuelle, sans nous intéresser à aider les autres à moins souffrir et à mieux vivre ? Peut-on plaire au Cœur qui a tant aimé en restant dans une expérience religieuse intime, sans conséquences fraternelles et sociales ? Soyons honnêtes et lisons la parole de Dieu dans son intégralité. Cependant, et pour cette même raison, il ne s’agit pas non plus d’œuvrer à une promotion sociale dépourvue de sens religieux qui, en fin de compte, voudrait donner à l’homme moins que ce que Dieu veut pour lui. C’est pourquoi nous devons conclure ce chapitre en rappelant la dimension missionnaire de notre amour pour le cœur du Christ. (§ 205)
Christian Le Borgne, curé