· 

Christ Roi

Le Christ couronné d'épines
église de Saint Rivoal

 

Au terme de cette année liturgique, nous célébrons le Christ Roi de l'Univers.

 

Je vous ai écrit il y a quelques années, un billet portant sur l'origine et les incompréhensions, au sujet de cette fête. Il est bon de rappeler à certains catholiques nostalgiques, confondant l'annonce du Royaume de Dieu avec un projet politique souverainiste, que le pape Pie XI qui a promulgué cette solennité est le même qui a condamné l'Action Française...

Cliquez ici

 

 

 

Reconnaissons que le terme de Roi ou de Royaume ne nous sont pas des plus familiers dans nos représentations. Parler de Reine pour une jeune fille, comme la Reine de Cornouailles, passe encore ! On comprend bien qu'il n'y a pas d'enjeu de pouvoir ! Parler de royaume a toujours une connotation ironique. Combien d'expressions comme " Au royaume des aveugles les borgnes sont rois" donnent à comprendre qu'il n'est pas souhaitable d'être qualifié de roi de qui que se soit.

Ce n'est pas l'exercice de la royauté par les quelques souverains qui portent ce titre, tel le King Charles, qui donnent crédit à ce titre monarchique, tant les dorures et les apparats ne sont que décors de théâtre ou l'acteur n'a pour seul rôle que, précisément, son jeu d'acteur.
D'autre part, notre histoire française nous transmet, de François 1er à Louis seixième du nom, une image des rois, telle qu'il est difficile d'y reconnaître une image de la souveraineté du Christ. Leur pouvoir monarchique ne correspond pas à l'exercice du pouvoir tel qu'il était entendu dans le Royaume d'Israël et la représentation que s'en faisaient les auditeurs du Christ.

 

Le Christ ne parle jamais de lui en terme de royauté, mais comme celui qui annonce le Royaume. "Heureux les pauvres, le Royaume est à eux".


L'un des premiers gestes d'autorité que pose le Christ est de choisir douze apôtres, parce que le Royaume, c'est d'abord l'unité des douze tribus d'Israël.
En ce sens, "il n'est pas le roi des juifs", souverain diminué dans un royaume divisé entre les juifs, à Jérusalem, les samaritains et les galiléens...
"Qu'ils soient un, comme toi et moi Père, nous sommes un" ; "A l'amour que vous aurez les uns pour les autres, on reconnaîtra que vous êtes mes disciples".

 

La figure emblématique royale, dans la Bible, c'est celle du roi David, le petit berger de Bethléem.
De fait, le Christ et les évangiles soulignent généreusement la figure pastorale du Christ, celui qui prend soin, celui qui conduit, celui qui rassemble et recherche la brebis perdue. La mission confiée à Pierre par le Ressuscité n'est-elle pas de prendre soin des brebis et des agneaux ?

 

Dans le Royaume d'Israël, le roi exerce son pouvoir comme figure de l'autorité de Dieu, comme garant de la fidélité à l'Alliance ; il a besoin cependant du prophète pour être mis en garde chaque fois qu'il déroge à cette fidélité. Et si le roi est sur son trône, le Temple rappelle que c'est Dieu le souverain de son peuple.


Aujourd'hui encore, l'Eglise n'a pas vocation à se prendre pour le Royaume, mais à être signe, au cœur de ce monde, du Royaume qui germe. Le peuple de Dieu tout entier, dans sa vocation baptismale, est configuré au Christ Prêtre, Prophète et Roi. Nul ne peut prétendre à lui seul exercer cette charge, il ne peut le faire qu'en communion, dans l'Eglise, et au service de l'unité du genre humain.

 

Célébrer le Christ Roi de l'Univers en ce dernier dimanche de l'année liturgique, c'est aussi annoncer de manière explicite que si le Royaume est déjà inauguré par l'incarnation et la résurrection du Christ, par le don de l'Esprit Saint, il est encore en attente de sa pleine manifestation, au terme de l'histoire. Nul système, nul projet ou réalisation ne peut prétendre réaliser aujourd'hui et de manière absolu ce Royaume du Christ. Il n'est pas plus raisonnable de rêver à faire revivre une époque révolue, un "âge d'or", qui aurait vu bien mieux qu'aujourd'hui, la réalisation du Royaume.

La royauté du Christ, somme nous disposés à l'accueillir dans nos vies, qu'il soit le souverain de notre cœur, de nos pensées, de nos actions ? La royauté du Christ nous libère de nos esclavages, du pouvoir tyrannique de nos égoïsmes et de nos ambitions ou aveuglements. La royauté du Christ se manifeste dans la contemplation du crucifié, c'est sa croix qui abaisse les puissants de leur trône et qui relève les humbles, nous dit le pape François.

 

"Que ta volonté soit faite, Seigneur des temps nouveaux
Et que ton Royaume vienne, au milieu de nous"

 

Christian Le Borgne, curé

https://www.paroissesainteanne.fr/2018/11/23/christ-roi/