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Médaillon :
retable du Rosaire Pleyben
Bas relief ci-contre :
St Sébastien en St Ségal
Nous connaissons le nom de "Chandeleur", associé à la dégustation des crêpes... Pour ajouter un autre mot à vos conversations, vous pourrez également parler de "l'Hypapanti", (Le verbe grec hupantan ou hupapantan signifie « aller au-devant », « rencontrer »), premier nom de cette fête qui commémore à Rome la Présentation et la Rencontre au Temple, quarante jours après la Nativité.Le cœur du récit se joue dans la rencontre entre Jésus et le vieillard Syméon.
Après le "Benedictus" de Zacharie lors de la nativité de Jean, le "Magnificat" de Marie lors de la Visitation, le "Gloria in Exelcis Deo" des anges dans la nuit de Noël, nous est donné le
"Nunc Dimitis" de Syméon : "Maintenant, au Maître Souverain, tu peux laisser ton serviteur s'en aller en paix, selon ta parole..."
Dans la vidéo qui suit, extraite de la bande son du film "Des hommes et des dieux", les acteurs chantent ce cantique, repris chaque soir au cours des complies, dernier office avant le repos de la nuit.
"Maintenant au Maître souverain,
tu peux laisser ton serviteur s'en aller en paix selon ta Parole.
Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples,
lumière qui éclaire les nations et donne gloire à Israël ton peuple".
C'est ainsi que chantait le vieillard Syméon à la vue de l'enfant présenté au Temple.
Un autre nom vous reviendra peut-être en mémoire, pour les plus anciens, et aussi pour ceux qui restent attachés à la liturgie d'avant le Concile Vatican II, celui de la "Purification de Sainte Marie".
Les liturgies françaises du 18ème siècle lui substituèrent le titre de "Présentation du Seigneur", nom adopté par le Calendrier de la liturgie romaine en 1969.
Ce n'est pas seulement un changement de nom, qui est opéré, mais un déplacement dans le sens de la célébration.
Ce qui était jusque là considéré comme une fête de la Vierge Marie, au même titre que la Nativité de la Vierge Marie (8 septembre), sa Conception immaculée (8 décembre) ou l'Assomption (15 août), devient une Fête du Seigneur. C'est la raison pour laquelle elle est célébrée le dimanche en lieu et place du 4ème dimanche ordinaire, quand ce dimanche est un 2 février.
Si nous avons connu jusque la fin des années 1960 le rite des "relevailles" pour les femmes ayant accouché, il n'est nullement fait mention d'un rituel de purification de la Mère de Jésus dans le
récit de Luc. La raison du récit est le rituel d'offrande à l'occasion de la naissance du Premier Né. Cette fête s'inscrit ni plus ni moins dans les fêtes liées à la Nativité du Sauveur. Marie y
a toute sa place, mais sans porter ombrage de quelque manière à son Fils. Comme l'écrit Joseph Ratzinger/Benoît XVI, dans son ouvrage "L'enfance de Jésus", "Marie n'a pas besoin d'être
purifiée après l'enfantement de Jésus : cette naissance apporte la purification du monde" [...] "Et toi même, une épée te transpercera l'âme"... L'opposition au Fils touche aussi la Mère et brise
son coeur. La Croix de la contradiction, devenue radicale, devient pour elle une épée qui lui transperce l'âme. De Marie nous pouvons apprendre la vraie compassion, libre de tout sentimentalisme,
dans l'accueil de la souffrance des autres comme souffrance propre." Flammarion 2012, p.117-123).
Il est nul et non avenu d'aller se gaver de pseudo-révélations au sujet des récits de l'enfance de Jésus ; ce petit ouvrage du pape Benoît nous permet de comprendre,
d'approfondir les seuls récits qui vaillent, dans la tradition de l'Eglise, à savoir ceux des évangiles.
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Pourquoi le nom de chandeleur ?
Tout simplement parce que, à la fin du 7ème siècle, le pape Sergius 1er introduisit l'usage de faire précéder la messe du 2 février, d'une procession qui se dirigeait vers la Basilique de Sainte Marie Majeure, à l'aurore. Tout le peuple y tenait des cierges en mains. Plus tard, en pays germanique, au 10ème siècle, puis à Rome avant le 12ème, sera introduit l'usage de la bénédiction des cierges "chandelles".
J'ai connu enfant cette pratique, que l'on peut qualifier de "dévotion populaire" au sens noble du terme, qui voulait que, tout comme le rameau de buis aux rameaux, on conserve précieusement ces cierges bénis, les chandelles, au fond d'une armoire, protégées de linge, non pour le cas ou une tempête nous priverait de courant, mais pour les veillées funéraires auprès des défunts... Le buis pour l'eau bénite, la chandelle pour la lumière, n'est-ce pas un mémorial de la mort et de la résurrection du Christ, de la liturgie baptismale ?
Pourquoi la dégustation des crêpes
est-elle liée à cette fête de la Présentation ?
Deux réponses l'une découlant de l'autre. Le calendrier chrétien vient s'inscrire dans le calendrier païen pour le sanctifier. Début février, quarante jours après le solstice d'hiver, les
galettes, tout comme celle des rois à l'épiphanie, évoquent la lumière du disque solaire. C'était une coutume romaine de manger des galettes de farine à cette occasion.
Le pape Gélase, qui en 472 instaure à Rome des procession à la lumière des chandelles, dans la ville de Rome, va également innover en faisant distribuer des galettes, facile à réaliser, aux
pèlerins qui arrivent à Rome.
Nos ami(e)s qui proposent des crêpes à la sortie des offices, à l'occasion des pardons, comme à Sainte Anne la Palud, ne se doutaient sans doute pas qu'ils s'inscrivaient ainsi dans les plus anciennes traditions de l'église romaine !
Joyeuse fête de la chandeleur, et bonne dégustation à tous !
Christian Le Borgne, curé
pour le plaisir, en bonus, ce beau noël guérandais, repris par les Tri Yann :