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Lectionnaire du Carême

Je vous propose en quelques lignes, une partie de ce que j'ai cherché à exposer au cours de notre soirée du mercredi des cendres.

 

Il y a soixante ans, cette année, s'achevait le Concile Vatican II. Parmi les grandes réformes, celle de la liturgie, et notamment, la révision du lectionnaire. D'une part, on restituait au Peuple de Dieu les trésors de l'Ecriture, avec une redécouverte des textes de l'Ancien Testament ; d'autre part, on retrouvait le souffle de ce temps du Carême comme période qui nous dispose à célébrer les sacrements de la foi au cours de la veillée pascale.

 

Les rédacteurs ont voulu que notre lectionnaire se décline sur trois années, privilégiant tour à tour les évangélistes Matthieu, Marc ou Luc, et réservant quelques passages de St Jean à l'un ou l'autre des dimanches de ces trois années.

  

Nous disposons désormais, dans ce lectionnaire, de deux lectures, entrecoupées d'un psaume, l'une de l'Ancien Testament, l'autre de Saint Paul ou d'un autre auteur du Nouveau testament, avant l'écoute de l'Evangile.

Habituellement, la lecture de la Première Alliance est comme anticipation de ce qui sera pleinement révélé, par le Christ, dans la proclamation de l'évangile ; au cours du Carême ces lectures ont leur cohérence propre, chronologie de l'histoire de l'Alliance, d'une semaine à l'autre. Nous entendrons dans la suite des dimanches, les épisodes qui au long de l'histoire, nous disposent à accueillir l'Alliance définitive établie par le Christ dans sa mort, sa résurrection, et le don de l'Esprit Saint.

Dans cette suite de récits, nous avons d'abord la Genèse, puis l'épopée de Moïse, ensuite l'histoire tourmentée d'Israël et enfin les enseignements des prophètes ; on peut constater que nous  retrouverons la même structure chronologique dans les textes proclamés au cours de la Vigile Pascale, ainsi que dans une célébration que nous ignorons dans la pratique paroissiale, la Vigile de Pentecôte.

 

La seconde lecture, pour chacun de ces dimanches, enseignement de Saint Paul,  viendra donner un éclairage, soit à ce premier récit, soit à l'évangile proclamé.

 

La nouveauté apportée par le lectionnaire n'est pas seulement de se déployer sur trois années, ni de rajouter un passage du "grand récit d'Israël" ; le choix des textes retenus donne une intelligence, une dynamique, à ce qu'est le temps du Carême. Si je regarde ce qui était proclamé, jusqu'en 1969, il est clair que l'on s'adressait à des chrétiens déjà baptisés de longue date, ayant besoin d'être renouvelés dans leur adhésion au Christ. Le premier dimanche du carême, par exemple, était lue l'exhortation de Paul aux Corinthiens que nous entendons désormais à l'occasion de la célébration du mercredi des Cendres. (Heureusement que les "fidèles", c'est à dire  ceux qui ont déjà proclamé la foi baptismale, disposaient de "missel des fidèles" leur permettant d'accéder en français à ce qui était proclamé en latin ! )

 

Le lectionnaire qui nous est donné aujourd'hui porte toujours cette marque, exhortation à la pénitence, à la conversion, mais aussi et d'abord, la marque du Carême des premiers temps de l'Eglise : le Carême a été institué pour les candidats au baptême, et donc pour les communautés chrétiennes qui les accueillent et les accompagnent. C'est dans cet accompagnement que les chrétiens et leurs communautés sont revivifiés dans la foi, rappelés à la promesse baptismale. Il est à noter que pour cette année C, nous sont données, ce premier dimanche, en première et seconde lecture, l'exhortation à proclamer la foi, qu'il s'agisse du récit du Deutéronome ou de la lettre de Paul aux Romains. C'est à dire que dès la première étape nous est donné l'objectif à atteindre, proclamer la foi, accueillir le salut !

Nous pouvons, de même, comprendre que le récit des tentations du Christ au désert ne sont pas en premier lieu une mise en garde contre les tentations du monde, mais de manière plus radicale, une disposition à répondre au soir de Pâques à cette question : "Renoncez vous à Satan et à ses séductions ? Croyez vous en Dieu le Père, le Fils, l'Esprit Saint ?"

"Jésus lui répondit :

« Il est écrit :
C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras,
à lui seul tu rendras un culte.
 »

 

 Nous entendons au cours de cette année l'Evangile selon Saint Luc, et notamment le quatrième dimanche, la parabole du père et de ses deux fils, plus couramment appelée "parabole du fils prodigue". Dans cette coloration particulière de l'Evangile de Luc, l'insistance sur la miséricorde de Dieu, non seulement dans le passage précis du chapitre 15, mais comme "fil conducteur" dans l'ensemble des textes de ce Carême.

Ainsi nous entendrons le récit de vocation de Moïse au buisson ardent ; si le Seigneur fait appel à Moïse, c'est parce que Dieu fidèle à la promesse faite aux patriarches, il entend la souffrance de son peuple en esclavage, et qu'il veut le délivrer. En écho à ce récit, nous chantons le psaume 102,

 

"Bénis le Seigneur, ô mon âme,

n’oublie aucun de ses bienfaits !

Car il pardonne toutes tes offenses
et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe
et te couronne d’amour et de tendresse.
Le Seigneur fait œuvre de justice,
il défend le droit des opprimés."

 

l'Evangile du cinquième dimanche, non de Saint Luc mais récit de la Femme adultère, chez Saint Jean, nous dit encore cette miséricorde de Dieu en son Fils. "Personne ne t'a condamnée ? - Personne Seigneur ! - Moi non plus, je ne te condamne pas..."

 

 Dans ma présentation de mercredi, j'ai également commenté la structure du lectionnaire du temps pascal ; cela fera peut-être l'objet d'un autre billet, en temps voulu !

 

En cette année jubilaire, pèlerins de l'espérance, c'est la miséricorde de Dieu, proclamée au long de ce Carême, qui nous met en marche vers les fêtes pascale ! 

 

Tout près de toi est la Parole,
elle est dans ta bouche et dans ton cœur.

Cette Parole, c’est le message de la foi que nous proclamons.
En effet, si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur,
si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts,
alors tu seras sauvé.   

Romain 10 - 1er dimanche du Carême

 

Christian Le Borgne, curé